Azteca
du nord, après avoir séjourné quelque temps à
Tapachula ou dans un autre endroit du Xoconochco, allèrent ensuite s’installer
encore plus loin. Je n’ai jamais poussé mes voyages jusque-là, mais je sais
qu’à l’est de la jungle du Quautemâlan, il y a de hautes terres et des zones
côtières très fertiles. Plus loin encore, s’étend un autre isthme plus étroit
que celui de Tehuantepec, situé entre les océans méridional et septentrional et
dont personne ne sait où il mène. Certains prétendent qu’il s’y trouve un
fleuve qui joint les deux océans. Votre commandant en chef Cortés est parti en
exploration, mais en vain ; pourtant il n’est pas impossible qu’un
Espagnol le découvre un jour.
Bien que ces émigrants ne fussent qu’une poignée et bien qu’ils n’aient
créé qu’une colonisation éparse sur ces terres lointaines, il paraît qu’ils ont
imprégné d’une marque indélébile les indigènes. Des tribus qui n’avaient aucun
lien de parenté avec aucun des pays de la Triple Alliance, ont fini par nous
ressembler. Elles parlent nahuatl, même si ce ne sont que des dialectes
bâtards ; elles ont adopté nos us et nos coutumes, nos dieux et ont même
rebaptisé leurs villages, leurs montagnes et leurs rivières de noms nahuatl.
Il m’est arrivé que des Espagnols qui avaient beaucoup voyagé me
demandent : « Votre empire aztèque était-il réellement si immense
qu’il allait buter sur l’empire inca qui se trouve sur le grand continent du
sud ? » Je n’ai jamais très bien compris le sens de cette question, mais
je leur répondais invariablement : « Non, Seigneurs. » Je ne
sais pas trop ce qu’est un empire, un continent ou un Inca. Tout ce que je
sais, c’est que nous les Mexica – ou les Aztèques, si vous préférez – nous
n’avons jamais poussé les limites de nos territoires au-delà du Xoconochco.
Cependant, à cette époque, tout le monde n’avait pas les yeux
uniquement fixés sur le sud. Notre Uey tlatoani se préoccupait également des
autres points de la boussole. Je fus heureux d’un changement qui survint un
jour, dans ma vie de plus en plus routinière, lorsque Ahuizotl me fit appeler
pour me demander si je voulais me charger d’une mission diplomatique au
Michoacán.
« Tu as fait du très bon travail au Xoconochco et en Huaxyacac, ne
crois-tu pas que tu serais capable, cette fois, d’établir de meilleures
relations entre notre pays et la Terre des Pêcheurs ? »
Je lui répondis que je voulais bien essayer. « Mais pour quelle
raison, Seigneur ? Les Purépecha laissent nos voyageurs et nos marchands
traverser leur pays sans les inquiéter. Ils commercent librement avec nous. Que
demander de plus ?
— Eh bien, trouve un prétexte pour aller rendre visite à leur
uandakuari, le vieux Yquingare. » Je dus avoir l’air interloqué car il
condescendit à me donner de plus amples explications : « Tes
prétendues négociations diplomatiques ne serviront qu’à cacher le but réel de
ta mission. Nous voulons que tu nous rapportes le secret de ce métal si dur
qu’il a toujours battu en brèche nos armes d’obsidienne. »
Ne voulant pas laisser paraître mon inquiétude, je pris le parti
d’essayer de le raisonner : « Seigneur, les artisans qui forgent ce
métal sont certainement à l’abri des rencontres avec des étrangers qui
voudraient essayer de leur arracher leur secret.
— Et le métal est bien enfermé, lui aussi, hors de la vue des
curieux, poursuivit Ahuizotl, impatienté. Nous savons tout cela ; mais
nous savons aussi qu’il y a une exception. Les proches conseillers de
l’uandakuari et ses gardes personnels ont toujours sur eux des armes de ce
métal, afin de déjouer tout attentat contre leur chef.
Introduis-toi dans le palais et tu trouveras bien une occasion de
t’emparer d’une épée ou d’un couteau. C’est tout ce qu’il nous faut. Si nous
pouvons donner à nos artisans un modèle à étudier, ils en découvriront
peut-être la composition.
— Puisque Sa Seigneurie l’ordonne, le Chevalier-Aigle doit
obéir », lui répondis-je en soupirant. Puis, réfléchissant aux difficultés
que présentait cette tâche, je lui suggérai : « Si ma seule mission
là-bas est de dérober un objet, je n’ai pas besoin de me compliquer la vie en
invoquant des négociations diplomatiques. Il suffirait que je sois porteur d’un
présent amical de l’Orateur Vénéré Ahuizotl à l’Orateur
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