Azteca
et
nous firent très poliment signe que nous pouvions traverser Zitacuaro.
Par la suite, on ne nous arrêta pas une seule fois, mais j’avais donné
ordre que les rideaux de la chaise à porteurs soient désormais toujours tirés.
J’étais certain qu’un messager rapide avait déjà informé l’uandakuari de notre
venue, mais je voulais que la nature du présent reste mystérieuse le plus
longtemps possible, jusqu’au moment où nous en ferions nous-mêmes la surprise.
Zyanya me disait que j’étais cruel d’empêcher les jumelles de voir le nouveau
pays où elles allaient vivre. Aussi, à chaque fois que je lui montrais quelque
chose d’intéressant, elle faisait arrêter la caravane et, s’il n’y avait
personne sur la route, elle allait soulever le rideau pour qu’elles puissent,
elles aussi, profiter du spectacle.
Si Zyanya n’avait pas été là, ce voyage m’aurait paru bien ennuyeux et
j’étais heureux qu’elle ait réussi à me persuader de la laisser venir. Elle
parvenait même, de temps en temps, à me faire oublier la mission périlleuse qui
était le but de cette expédition. Elle voyait toujours quelque chose de
nouveau, poussait des exclamations et écoutait mes explications avec une
attention enfantine.
La première chose qui la surprit ce fut, bien sûr, le nombre de
personnes au crâne chauve et brillant. Je l’avais mise au courant de cette
coutume, mais savoir n’est pas voir. Au début, elle dévisageait les jeunes gens
en disant : « Ça, c’est un garçon, ah ! non, c’est une fille…»
Je dois dire que cette curiosité était réciproque.
Les Purépecha avaient l’habitude de voir des gens chevelus – parmi les
étrangers, les classes inférieures et quelques excentriques – mais jamais aucun
d’eux n’avait rencontré une belle femme avec une chevelure abondante striée
d’une mèche blanche ; aussi nous dévisageaient-ils aussi.
En dehors des habitants, bien des choses, dans ce pays, attiraient
l’attention : les montagnes qui semblaient reculer constamment vers
l’horizon et faisaient un cadre au relief doux et plat, des forêts, des
prairies sauvages parsemées de fleurs. Mais la plus grande partie du pays était
occupée par de grandes fermes très prospères, avec d’immenses étendues de maïs,
de haricots, de chili et des vergers d’avocatiers et d’arbres fruitiers. Çà et
là, s’élevaient au milieu des champs des huttes d’adobe pour emmagasiner les
graines et les récoltes ; c’étaient des abris coniques qui rappelaient la
tête pointue des jumelles.
Dans cette région, même les plus humbles demeures sont jolies. Toutes
les constructions sont en bois, à cause de l’abondance des forêts. Les planches
et les poutres ne sont pas assemblées avec du mortier ou des cordes, mais elles
s’emboîtent grâce à un ingénieux système d’encoches. Les maisons ont de hauts
toits pointus dont les pans font de l’ombre en été et protègent de la pluie en
hiver. Certains toits rebiquent même sur les quatre côtés, ce qui leur donne un
petit air mutin. C’était la saison des hirondelles et, nulle part, il n’y en a
autant qu’au Michoacán. On les voit partout voleter, glisser, voltiger, battre
des ailes et c’est certainement parce que ces grands pans de toit leur laissent
beaucoup de place pour faire leur nid.
Avec ses forêts et ses cours d’eau, le Michoacán est un séjour
accueillant pour toutes les espèces d’oiseaux. Les rivières reflètent les
éclatantes couleurs du geai, du gobe-mouches et du martin-pêcheur. Au bord du
lac, avancent de grands hérons bleu et blanc et même de grands flamants. Ces
oiseaux ont un bec en forme de cuiller, ce qui n’est pas très gracieux et de
longues pattes dégingandées. Mais leur plumage a la superbe couleur du coucher
du soleil et quand une harde entière s’envole, on dirait que le vent s’est
matérialisé dans leurs ailes roses.
La plus grande partie de la population du Michoacán réside dans le
chapelet de villages qui entoure le lac de Patzcuaro, ou encore dans des
hameaux perchés sur une multitude de petites îles. La communauté vit
principalement des poissons et des oiseaux du lac, mais l’uandakuari a obligé
chaque village à fabriquer un produit local particulier. Ici, on façonne des
ustensiles en cuivre martelé, là on tisse, ailleurs on tresse des joncs pour en
faire des nattes ou encore, on réalise des objets en laque, et bien d’autres
choses encore.
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