Azteca
Vénéré
Yquingare. »
Ahuizotl fronça les sourcils. « Oui, mais quel cadeau ? Il y
a autant d’objets précieux au Michoacán que chez nous. Il faudrait que ce soit
quelque chose qui n’existe pas là-bas, quelque chose d’unique.
— Les Purépecha sont très friands de pratiques sexuelles
curieuses. Mais, non, le uandakuari est vieux, il a eu le temps de connaître
toutes les pratiques et les perversions sexuelles possibles et il doit être
parfaitement blasé.
— Ayyo .’ s’exclama Ahuizotl. J’ai trouvé quelque chose
qu’il n’a pas pu essayer et auquel il ne pourra pas résister. C’est un nouveau
tequani que nous venons d’acheter pour notre ménagerie humaine. » Je dus
blêmir, mais il ne s’en rendit pas compte et envoya un esclave chercher la
personne en question.
J’étais en train d’essayer d’imaginer quel genre de monstre pourrait
bien exciter la convoitise du débauché le plus corrompu lorsque j’entendis
Ahuizotl me dire : « Regarde, Chevalier Mixtli. Les voilà. » Et
je mis aussitôt ma topaze devant mon œil.
Les deux filles étaient plutôt laides, mais il n’y avait vraiment pas
de quoi les qualifier de monstres. Elles sortaient de l’ordinaire par le fait
qu’elles étaient parfaitement jumelles. Je pensai qu’elles devaient avoir
environ quatorze ans et qu’elles provenaient d’une tribu olmeca car elles
mâchaient toutes deux du tzictli avec le regard vide d’une paire de lamantins.
Elles étaient accolées, légèrement tournées l’une vers l’autre et elles se
tenaient par l’épaule. Une étoffe qui descendait jusqu’à terre, les enveloppait
toutes les deux à partir de la poitrine.
« On ne les a pas encore montrées au public, me dit Ahuizotl,
parce que la couturière du palais n’a pas terminé les corsages et les jupes
qu’il a fallu faire spécialement. Esclave, déshabille-les. »
Je n’en crus pas mes yeux quand je les vis nues. Ce n’étaient pas de
simples jumelles, quelque chose avait dû se passer dans le ventre maternel et
elles s’étaient en quelque sorte mélangées l’une à l’autre. De l’aisselle à la
hanche, elles étaient réunies par la même peau et si étroitement qu’elles ne
pouvaient se lever, s’asseoir ou se coucher qu’en se faisant à moitié face.
Elles avaient quatre seins devant et deux paires de fesses derrière. A part
leur figure laide et bête, je ne leur voyais aucune difformité, mis à part
cette soudure.
« Est-ce qu’on ne pourrait pas les séparer ? demandai-je.
Elles auraient des cicatrices, mais elles seraient normales.
— Et pour quoi faire ? grommela Ahuizotl. Ça ne ferait que
deux souillons olmeca de plus à mâcher du tzictli avec leur face terreuse.
Ensemble, elles font une curiosité intéressante et elles pourront mener la vie
agréable et paisible d’un tequani. De toute manière, nos chirurgiens ont dit
qu’elles ne peuvent être séparées. Sous ce morceau de peau qui les lie, il y a
des vaisseaux sanguins essentiels. Mais voilà ce qui va enthousiasmer ce vieux
Yquingare : elles ont chacune un tipili et elles sont vierges toutes deux.
— C’est dommage qu’elles ne soient pas jolies, remarquai-je. Mais
vous avez raison, leur singularité compense leur manque de beauté. Avez-vous un
nom ? Savez-vous parler ? » demandai-je en m’adressant aux
jumelles.
Elles me répondirent presque en même temps : « Je suis
Gauche. » « Je suis Droite. »
« Nous avons pensé les présenter au public, sous le nom de
couple-femme, me dit Ahuizotl, d’après la déesse Omecihuatl. C’est une sorte de
jeu de mots, tu comprends.
— S’il existe un présent qui puisse rendre l’uanda-kuari plus
amical à notre égard, c’est bien celui-ci et je le lui apporterai volontiers.
Juste un conseil, Seigneur, Pour les rendre plus attirantes, il faudrait leur
faire raser les cheveux et les sourcils. C’est la mode chez les Purépecha.
— Drôle de mode, s’étonna Ahuizotl. Leur seul attrait, c’est
justement leur chevelure. Tant pis. Sois prêt à partir dès que leur garde-robe
sera terminée.
— Comme vous voulez, Seigneur Orateur. J’espère que la
présentation à la cour du couple-femme suscitera assez d’effervescence pour que
je puisse subtiliser une arme sans qu’on me remarque au milieu de l’excitation
générale.
— Il ne suffit pas de l’espérer, me dit Ahuizotl. Il faut le
faire. »
« Ah, les pauvres petites ! »
Weitere Kostenlose Bücher