Azteca
s’étaient installés à
contrecœur quand ils avaient été refoulés de la région des lacs par les vagues
successives des Culhua, des Acolhua, des Azteca et d’autres envahisseurs
parlant le nahuatl. Dans cette région frontalière indéterminée, j’avais des
difficultés pour me faire comprendre. Certains parlaient le nahuatl ou le poré
de leurs voisins de l’ouest, mais d’autres ne connaissaient que l’otomite que
je maniais fort mal et beaucoup parlaient un infâme pot-pourri de ces trois
idiomes, aussi, je ne trouvai aucun indigène capable de m’expliquer où se
trouvait l’antique Atlitalâcan.
Il me fallut donc la découvrir tout seul. Son nom était déjà en soi une
indication ; il veut dire : « Là où l’eau jaillit » et, un
jour, j’arrivai dans un petit village bien tenu qui s’appelait D’ntado Dehé, ce
qui en otomite signifie à peu près la même chose. Ce village s’était établi
près de la seule source de toute une région extrêmement aride. Il me semblait
que les Azteca avaient très bien pu y faire halte, car un ancien chemin
traversait le village venant du nord et repartant vers le sud en direction du
lac Zumpango.
La maigre population de D’ntado Dehé me vit débarquer avec une méfiance
somme toute assez naturelle, mais une vieille femme, trop pauvre pour avoir des
scrupules, consentit à me loger dans le grenier presque vide de sa misérable
cabane d’adobe. Je déployai toute ma séduction pour me faire bien voir de ces
taciturnes Otomi et pour essayer de les faire parler, mais en vain. Je me mis
donc à écumer les alentours du village à la recherche de ce qu’auraient pu
laisser mes ancêtres, mais sans me faire beaucoup d’illusions. Si les Azteca
avaient caché des armes et des provisions sur leur chemin, ils devaient avoir
pris des précautions pour que personne d’autres qu’eux ne puisse les découvrir,
en marquant les caches de signes connus d’eux seuls et aucun de leurs
descendants, moi compris, n’avait la moindre idée de la nature de ces signes.
Néanmoins, avec un gros pieu, je me mis en devoir de fouiller chaque
endroit qui me semblait suspect : petites buttes de terre, buissons
touffus ou ruines d’anciennes habitations. Je ne sais pas si ce comportement
étrange éveilla chez les villageois de l’amusement, de la pitié ou de la simple
curiosité, mais ils m’invitèrent à venir m’expliquer devant leurs deux plus
vénérables Anciens. Ceux-ci répondirent à mes questions le plus simplement
possible. Non, ils n’avaient jamais entendu parler d’Atlitalâcan, mais puisque
ce nom avait le même sens que D’ntado Dehé, c’était sans doute aussi le même
endroit. Oui, d’après les aïeux de leurs aïeux, une tribu d’étrangers loqueteux
et sauvages s’était jadis installée près de la source pendant quelques années,
avant de disparaître vers le sud. Quand je leur demandai s’ils avaient pu
laisser quelque chose, ils secouèrent la tête en disant « n’yéhina »,
c’est-à-dire non et ils me répétèrent plusieurs fois une phrase que j’avais du
mal à comprendre :
« Les Azteca sont venus ici, mais ils n’avaient rien apporté avec
eux et ils n’ont rien laissé en partant. »
J’arrivai ensuite dans une région où les habitants ne parlaient que
l’otomite. Je n’avançais pas en ligne droite, car il m’aurait fallu escalader
des falaises impressionnantes et me frayer un passage au travers de cactus
inextricables. J’étais sûr que les Azteca n’étaient pas passés par là et je
suivais donc les routes, quand elles existaient, ou des sentiers bien tracés.
Quoique sinueux, mon itinéraire continuait à me conduire vers le nord.
J’étais toujours sur un haut plateau, mais je descendais insensiblement
chaque jour, et les journées étaient de plus en plus chaudes. C’était une
chance pour moi car il n’y avait pas d’auberge et les villages où j’aurais pu
trouver à me loger étaient souvent éloignés. Cette région étant très peu
peuplée, même les animaux les plus craintifs habituellement n’étaient pas
farouches. Bien que je n’eusse rien d’autre que mon macquauitl, arme assez bien
conçue pour chasser le petit gibier, il me suffisait généralement de le lancer
de côté pour me procurer un plat de viande fraîche.
Ce nom d’Otomi est une abréviation d’un mot très long et très difficile
à prononcer qui signifie en gros : « Les hommes dont les flèches
abattent
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