Azteca
J’ai été surpris et heureux
de pouvoir parler avec tant de tribus différentes, mais je ne me suis jamais
posé la question. Avez-vous une théorie à ce sujet ?
— Mieux qu’une théorie, se rengorgea-t-il. Je suis très vieux et
je descends d’une lignée d’aïeux qui ont tous atteint un âge très avancé. Mais
nous n’avons pas toujours été vieux et dans notre jeunesse, nous étions
curieux. Chacun de nous a posé des questions et s’est souvenu des réponses
aussi, nous nous sommes transmis les connaissances sur les origines de notre
peuple, de génération en génération.
— Je vous serais très reconnaissant si vous pouviez m’en faire
part, vénérable chef.
— Voilà, dit-il. La légende raconte que sept différentes tribus –
parmi lesquelles vos Azteca – ont quitté Aztlán, il y a très longtemps, à la
recherche d’une terre plus hospitalière que la leur. Toutes ces tribus étaient
apparentées, elles parlaient le même langage, adoraient les mêmes dieux,
respectaient les mêmes traditions et, pendant un certain temps, elles
s’entendirent bien. Mais, comme on peut s’y attendre pendant un aussi long
voyage, des dissensions et des tiraillements se produisirent. En chemin,
certains groupes se séparèrent – des familles, des clans et même des tribus
entières. Certains partirent de leur côté, d’autres, fatigués d’avancer,
décidèrent de se fixer là où ils étaient. Au cours des ans, ces tribus errantes
se sont souvent fragmentées, elles aussi. On sait que les Azteca ont continué
leur marche jusqu’à l’endroit où s’élève maintenant Tenochtitlán et peut-être
d’autres tribus les ont accompagnés. C’est pourquoi, je vous ai dit ceci :
quand vos Azteca ont traversé ce désert, ils n’ont rien laissé derrière eux,
excepté nous. »
Je soupirai :
« J’aimerais bien, tout de même, découvrir le pays d’origine des
Azteca. »
Le chef hocha la tête. « C’est loin d’ici. Je vous l’ai dit, les
sept tribus sont restées longtemps ensemble avant de commencer à se
séparer. »
Je regardai vers le nord, là où l’on m’avait dit que le désert s’étendait
sans limites et je grognai : « Áyya , alors il faut que je
continue à marcher dans ces terres maudites et désolées ?
— Vous êtes déjà allé trop au nord. En restant toujours dans le
désert, poursuivit-il en riant, vous vous êtes dirigé vers le nord et vers
l’ouest, mais pas suffisamment vers l’ouest. D’après les pères de mes pères,
notre Aztlán se situerait quelque part au sud-ouest d’ici, au bord du grand
océan. Mes ancêtres et les vôtres ont dû beaucoup vagabonder et tourner en rond
avant que leur ultime marche les conduise à ce qui est maintenant votre ville,
comme le raconte votre légende. A mon avis, Aztlán devrait se trouver au
nord-ouest de votre capitale.
— Alors, il faut que je fasse marche arrière, vers le sud-ouest,
murmurai-je en pensant aux marches fastidieuses, à la saleté et aux fatigues
endurées pour rien.
— En tout cas, si vous voulez continuer je vous conseille de ne
pas aller vers le nord. Aztlán n’est pas là et vous y trouveriez un désert bien
plus terrible et bien plus impitoyable que celui où nous sommes, où même nous
autres, les Mapimi, ne pourrions survivre. Il n’y a que les Yaki qui osent s’y
aventurer parfois, parce qu’ils sont plus cruels encore que le désert lui-même.
— Je sais de quoi ils sont capables, fis-je en évoquant de bien
sombres souvenirs. Je vais suivre votre conseil, chef Patzcatl.
— Allez par là. » Il fit un geste en direction du sud-ouest,
là où Tonatiuh était en train de disparaître derrière les montagnes grisâtres
qui m’avaient accompagné de loin pendant toute ma traversée du désert.
« Aztlán est de l’autre côté. »
***
Je partis vers le sud-ouest et je franchis ces montagnes dont j’avais
contemplé la pâle silhouette pendant plus d’une année, m’attendant à devoir
escalader des murailles de granit. Pourtant, à mesure que je m’en rapprochais,
je constatai que c’était la distance qui leur avait donné cet aspect si abrupt.
Sur les premières pentes, ne poussaient que quelques buissons rabougris pareils
à ceux du désert, mais plus je m’avançais, plus la végétation se faisait dense.
Quand je pénétrai dans la haute montagne, je découvris une région aussi
verdoyante et aussi hospitalière que le pays des
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