Azteca
fonctionnaires et oser venir me le
dire ! Par tous les dieux, je vais te faire jeter aux félins de la
ménagerie si tu ne trouves pas quelque chose pour expliquer la trahison de ton
maître. »
L’homme roula des yeux effrayés et dit : « Le jour Huit
Alligator…
— Ayya ouiya . Arrête ! » hurla Motecuzoma.
Il s’écroula sur son trône et se prit la tête dans les mains. « Je retire
ma menace. Un félin est bien trop fier pour se repaître d’un pareil
déchet. »
L’un des Anciens du Conseil créa une diversion diplomatique en faisant
signe à un autre messager de prendre la parole. Il se mit à baragouiner dans un
méli-mélo de langues. Il était évident qu’il avait assisté au moins à l’un des
entretiens entre son maître et les visiteurs et qu’il répétait chaque mot
qu’ils avaient échangé. Il en ressortait que le chef des Blancs parlait en
espagnol et qu’un autre blanc traduisait en maya ; après quoi, quelqu’un
d’autre traduisait en nahuatl pour Patzinca. Ensuite, la réponse de Patzinca
revenait au chef blanc en suivant à rebours la même filière.
« Ça tombe bien que tu sois là, Mixtli, me dit Motecuzoma. Il
parle un bien mauvais nahuatl, mais à force de le faire répéter, on finira bien
par le comprendre. Pourras-tu nous traduire ce qu’il dit dans les autres
langues ? »
J’aurais bien aimé briller en faisant une traduction instantanée, mais,
en vérité, je n’avais pas compris grand-chose dans ce déluge de paroles.
L’accent totonacatl du messager y était pour quelque chose mais, de plus, son
chef ne parlait pas très bien le nahuatl. Le dialecte maya utilisé comme
intermédiaire était celui des Xiu que je connaissais bien, ce qui n’était pas
le cas de l’interprète blanc. En outre, à l’époque, je ne parlais pas
couramment l’espagnol et il y avait beaucoup de mots comme
« emperador » et « virrey » qui, n’ayant pas de
correspondant dans notre langue, avaient été simplement répétés sans être
traduits, en Xiu, puis en nahuatl et déformés au passage.
Un peu dépité, je dus avouer à Motecuzoma que si le messager voulait
bien répéter plusieurs fois, j’arriverais peut-être à comprendre quelque chose,
mais que, pour le moment, je ne pouvais que lui dire que le mot qui revenait le
plus souvent dans le discours des Blancs était « cortés ».
« Un seul mot, dit Motecuzoma d’un air sombre.
— Cela veut dire courtois, Seigneur Orateur, aimable, bien élevé.
— Ce n’est donc pas trop mauvais signe si les étrangers parlent de
courtoisie et d’amabilité », remarqua Motecuzoma en s’éclairant un peu.
Je me gardai de lui rappeler qu’ils ne s’étaient pas conduits très
courtoisement envers les Olmeca.
Après un silence maussade, Motecuzoma nous chargea, son frère
Cuitlahuac et moi, d’emmener les messagers et de leur faire répéter leur
discours autant de fois qu’il le faudrait pour arriver à en tirer quelque chose
de cohérent. Nous partîmes tous chez moi et nous passâmes plusieurs jours
entiers à les écouter. Le premier messager nous rabâcha cent fois ce que lui
avait confié le Seigneur Patzinca et les trois autres répétèrent à l’infini le
gargouillis de mots qu’ils avaient retenu de l’entretien entre Patzinca et ses visiteurs.
De ce flot de paroles, il ressortit néanmoins une sorte de trame que je
transcrivis.
Voici ce que Cuitlahuac et moi avions fini par comprendre :
Les Blancs s’étaient déclarés scandalisés que les Totonaca ou tout
autre peuple puissent être soumis à la domination de ce chef
« étranger » nommé Motecuzoma. Ils avaient offert leurs armes uniques
et leurs invincibles guerriers blancs pour « libérer » les Totonaca
et tous ceux qui souhaitaient se soustraire au despotisme de Motecuzoma, à la
condition que ces pays fassent allégeance, à la place, à ce roi d’Espagne.
Nous gavions que plusieurs nations pourraient se joindre de grand cœur
au renversement de Motecuzoma, car elles ne versaient le tribut à la Triple
Alliance que contraintes et forcées et, de plus, Motecuzoma s’était rendu
dernièrement particulièrement impopulaire dans tout le Monde Unique. Mais les
Blancs avaient mis une autre condition à leur aide.
Notre-Seigneur et Notre-Dame, avaient dit les Blancs, étaient très
jaloux des autres divinités et révoltés par la pratique des sacrifices humains.
Tous ceux qui souhaitaient secouer le joug de
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