Azteca
ce
Cortés.
— Les messagers nous ont rapporté que Patzinca s’était emparé de
ces fonctionnaires après que le chef des blancs lui eut donné l’ordre de le
faire, dit Tlacotzin à Motecuzoma.
— Patzinca a pu mentir pour une raison que nous ignorons, répondit
Motecuzoma sans grande conviction.
— Je connais bien les Totonaca, répliqua Tlacotzin sur un ton
méprisant. Pas un d’entre eux, Patzinca compris, n’aurait le courage, ni même
l’idée de se révolter de lui-même.
— Puis-je parler, Seigneur mon frère, dit Cuitlahuac. Vous n’avez
pas fini de lire le rapport préparé par le Chevalier Mixtli et moi-même qui
reprend les termes exacts échangés entre Patzinca et Cortés. Il est en
contradiction formelle avec ce message que Cortés vient de nous faire parvenir.
Il est certain qu’il a habilement poussé Patzinca à nous trahir et qu’il a
menti honteusement à nos fonctionnaires.
— Tout cela n’a aucun sens, objecta Motecuzoma. Pourquoi aurait-il
incité Patzinca à emprisonner ces hommes pour les mettre lui-même ensuite en
liberté ?
— Il espère ainsi que nous allons accuser les Totonaca de
trahison, poursuivit le Femme-Serpent. Maintenant que les fonctionnaires sont
rentrés, Patzinca, pris de panique, va lever une armée dans l’attente de
représailles de notre part. Quand ses troupes seront prêtes pour se défendre,
Cortés pourra très facilement persuader Patzinca d’attaquer.
— Cette hypothèse concorde parfaitement avec nos conclusions,
n’est-ce pas Mixtli ? ajouta Cuitlahuac.
— Oui, Seigneurs, dis-je en m’adressant à l’assemblée tout entière.
Il est évident que ce chef blanc veut quelque chose de nous, les Mexica, et
qu’il emploiera la force, si c’est nécessaire. Il y a une menace implicite dans
le message que viennent de nous apporter les fonctionnaires qu’il a si
astucieusement délivrés. Pour sa peine, il nous demande que nous l’invitions
ici et, si nous refusons de le recevoir, il se servira des Totonaca et
peut-être aussi d’autres peuples, pour l’aider à se frayer par la force un
chemin jusqu’à nous.
— Dans ce cas, il est facile d’éviter cela en acceptant sa
requête. Après tout, il dit qu’il souhaite simplement présenter ses respects.
S’il vient sans son armée, avec une simple escorte, il ne peut nous faire aucun
mal. A mon avis, il veut nous demander la permission d’installer une colonie
sur la côte. Nous savons déjà que ces étrangers sont, par nature, des
insulaires et des marins. S’ils ne demandent pas autre chose qu’un morceau de
terre sur la mer…
— J’hésite à contredire mon Orateur Vénéré, fit une voix enrouée.
Mais les hommes blancs veulent plus qu’un morceau de plage. » C’était l’un
des fonctionnaires qui venait de prendre la parole. « Avant de nous enfuir
de Zempoala, nous avons vu de grands feux rougeoyer du côté de l’océan et un
messager est arrivé en courant de la baie où les Blancs avaient ancré leurs
bateaux. Nous avons fini par comprendre ce qu’il s’était passé. Sur les ordres
de Cortés, les soldats ont enlevé de dix des navires tout ce qui pouvait
servir, puis ils y ont mis le feu. Il n’en reste plus qu’un seul, sans doute
pour servir de liaison avec le pays d’où ils viennent.
— Voilà qui est encore plus incompréhensible, répliqua Motecuzoma,
irrité. Pourquoi détruiraient-ils volontairement leurs seuls moyens de
transports ? Est-ce que tu prétends que ces étrangers sont fous ?
— Je l’ignore, Seigneur Orateur, reprit l’homme à la voix enrouée.
Tout ce que je sais, c’est qu’il y a maintenant des centaines de guerriers sur
la côte qui n’ont plus aucune possibilité de retourner dans le pays d’où ils
sont venus. On ne pourra ni persuader ni forcer leur chef à s’en aller
puisqu’ils ne le peuvent plus. Il a tourné le dos à l’océan et je ne crois pas
qu’il en restera là. La seule solution qui lui reste maintenant, c’est de
partir en avant, vers l’intérieur du pays. Je pense que le Chevalier-Aigle
Mixtli a vu juste : il va venir ici, à Tenochtitlán. »
Tout aussi indécis et aussi troublé que le malheureux Patzinca de
Zempoala, notre Orateur Vénéré avait refusé de prendre une décision immédiate.
Il donna l’ordre à tout le monde de quitter la salle du trône pour qu’il puisse
être seul. « Il faut que je réfléchisse, avait-il déclaré, et que
j’examine le rapport
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