Azteca
avaient
fière allure avec leur casque de fer étincelant et le corselet de métal qui
recouvrait leur pourpoint de velours. Ils portaient une épée au côté, mais
quand ils furent montés en selle, on leur tendit une longue lance dont la
pointe de métal était munie, des deux côtés, de plusieurs barbelures.
Tandis que ses hommes se mettaient en position, Cortés arborait un
sourire de propriétaire. Il était flanqué de ses deux interprètes et
Ce-Malinali souriait, elle aussi, avec l’air un peu blasé de quelqu’un qui en a
vu d’autres.
« Je sais que vous appréciez beaucoup les tambours, dit Cortés aux
nobles mexica. J’ai déjà eu l’occasion de les entendre. Voulez-vous que nous
commencions par cela ? »
Et, sans attendre de réponse, il cria : « Par Santiago,
allez-y ! »
Les trois soldats préposés au canon allumèrent alors une petite flamme
à l’arrière de l’engin et un roulement de tambour éclata avec un fracas bien
plus assourdissant que n’en ont jamais fait nos tambours qui déchirent le cœur.
Le canon sauta – et moi aussi – tandis que de sa gueule sortaient des nuages de
fumée, des coups de tonnerre dignes de Tlaloc et des éclairs plus fulgurants
que tous les bâtons fourchus des Tlaloque. Puis, je vis une petite chose qui
traversait les airs – c’était un boulet, évidemment – et qui alla frapper la
lointaine maison qui vola en éclats. Le coup de canon se prolongea par un
grondement plus étouffé. C’était le martèlement des sabots ferrés des chevaux,
car les cavaliers avaient lancé leurs montures au galop au moment précis où le
canon avait craché son boulet. Ils s’élancèrent sur la plage à une allure folle
et les grands chiens qu’on avait lâchés n’avaient aucun mal à se maintenir à
leur niveau. Les cavaliers encerclèrent la maison et on voyait luire leurs
lances tandis qu’ils faisaient le simulacre de tailler en pièces de prétendus
survivants. Ensuite, ils firent demi-tour pour revenir près de nous. Cependant,
les chiens n’étaient pas avec eux et on entendait vaguement leurs aboiements
hystériques parmi lesquels je crus distinguer des cris humains. Quand les
chiens revinrent, leurs terribles mâchoires étaient maculées de sang. Je ne
sais si des Totonaca s’étaient cachés près de la maison pour mieux suivre le
déroulement des opérations ou si Cortés s’était perfidement arrangé pour qu’ils
se trouvent là.
Quand les cavaliers eurent achevé leur démonstration, les fantassins se
déployèrent à leur tour sur la plage. Certains étaient armés de longues
arquebuses et d’autres d’arcs courts. Auparavant, des Totocana avaient déposé
des briques d’adobe à une bonne portée de flèches des soldats. Les soldats
s’agenouillèrent et déchargèrent tour à tour leurs arquebuses et leurs arcs.
Leur tir était d’une précision admirable, mais par contre, ils n’étaient pas
très rapides car après avoir lancé une flèche, il fallait qu’ils retendent leur
arc en tournant un petit dispositif.
Les arquebuses me parurent des engins beaucoup plus extraordinaires.
Les tourbillons de fumée et les éclairs de feu qu’elles crachaient auraient
suffi à mettre en déroute un ennemi qui leur aurait fait face pour la première
fois. Mais elles engendraient bien plus que de l’épouvante, elles projetaient
aussi des petites boules de métal qui volaient si vite qu’on n’avait même pas
le temps de les voir. Alors que les flèches s’étaient seulement plantées dans
les briques, le tir des arquebuses les avait fait éclater en morceaux.
Néanmoins, je remarquai que ces boules n’allaient pas plus loin que nos flèches
et l’arquebusier était si long à préparer son tir que nos archers auraient eu
le temps de lui décocher entre-temps six ou sept flèches.
J’avais maintenant une belle collection de dessins à montrer à Motecuzoma
et aussi beaucoup de choses à lui apprendre. Il ne me manquait plus que le
portrait de Cortés. Jadis, à Texcoco, j’avais juré de ne plus jamais en faire
car il m’avait semblé que j’attirais le malheur sur les personnes que je
dessinais. Dans le cas présent, je n’avais pas le même genre de scrupules. Le
lendemain soir, lorsque les Mexica arrivèrent pour le dernier entretien avec
Cortés, ses adjoints et ses prêtres, ils n’étaient plus quatre, mais cinq. Pas
un seul Espagnol ne parut remarquer qu’il y en avait un de plus et ni Aguilar,
ni Ce-Malinali
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