Azteca
prirent position devant les villes où ses troupes combattaient pour
qu’ils y déchargent leurs éclairs et leurs projectiles de mort. Incapables de
résister plus longtemps, attaquées de tous côtés, ces villes durent se rendre
et lorsque la dernière, Tlacopan, capitale des Tecpanecá, troisième bastion de
la Triple Alliance, capitula, les deux bras de l’armée de Cortés se
rejoignirent.
Le Capitaine Général n’avait plus besoin de ses bateaux pour soutenir
l’attaque de ses troupes et le lendemain, ils repartirent sur le lac en tirant
des coups de canon. Les lourds projectiles bombardèrent d’abord l’ancien
aqueduc de Chapultepec, puis celui qu’avait fait construire Ahuizotl et ils
s’écroulèrent tous les deux.
« Ces aqueducs étaient nos derniers liens avec la terre ferme, dit
le Femme-Serpent. Maintenant, nous voilà complètement à la dérive, comme un
bateau sans rames sur un océan démonté. Nous sommes assiégés et sans aucune
protection. Tous les peuples qui ne se sont pas joints de leur plein gré aux
Espagnols sont vaincus et à leurs ordres. Désormais, les Mexica sont seuls
contre le Monde Unique tout entier.
— C’est parfait, dit Cuauhtemoc d’un ton calme. Si c’est notre
tonalli d’être finalement vaincus, le Monde Unique n’oubliera jamais que les
Mexica auront été les derniers à se rendre.
— Mais, Seigneur Orateur, plaida Tlacotzin, ces aqueducs étaient
aussi nos derniers liens avec la vie. Nous aurions pu tenir sans ravitaillement
frais, mais comment faire pour nous battre sans eau potable ?
— Tlacotzin, expliqua Cuauhtemoc avec autant de patience qu’un
professeur qui s’adresse à un élève borné, il y a très longtemps, les Mexica se
sont déjà trouvés isolés ici même, repoussés et détestés par tous les autres
peuples. Ils n’avaient que de l’herbe à manger et uniquement l’eau saumâtre du
lac à boire. Dans de telles circonstances, ils auraient pu baisser la tête
devant leurs ennemis et ils auraient été dispersés, assimilés et oubliés par
l’Histoire. Mais ils ont tenu bon et ont édifié tout ceci – il fit un large
geste qui englobait toute la magnifique cité. – Quelle que soit leur fin,
l’Histoire ne pourra pas les ignorer. Les Mexica ont tenu. Les Mexica
tiendront. Jusqu’au bout. »
Après les aqueducs, ce fut la ville qui devint la cible des canons. Les
boulets qui venaient de Chapultepec étaient les plus destructeurs, car les
Espagnols avaient hissé plusieurs canons au sommet de la colline et de là, ils
nous mitraillaient directement, faisant pleuvoir les énormes gouttes de métal
sur Tenochtitlán. Une des premières canonnades détruisit le temple de
Huitzilopochtli en haut de la grande pyramide. Aussitôt, les prêtres
s’écrièrent : « Malheur ! Mauvais présage ! » et
organisèrent des cérémonies qui mêlaient les demandes de pardon et les prières
d’intercession au dieu de la guerre.
Les canons poursuivirent leur offensive pendant quelques jours, mais
d’une façon irrégulière et décousue comparée à ce qu’ils pouvaient faire en
réalité. Je pense que Cortés espérait ainsi nous obliger à reconnaître que nous
étions perdus pour que nous nous rendions sans combattre, comme l’aurait fait
tout peuple sensé. Non pas qu’il ait voulu nous épargner, mais parce qu’il
souhaitait préserver la ville pour pouvoir offrir à son roi une nouvelle
colonie avec une capitale plus belle qu’aucune ville d’Espagne.
Mais Cortés est et a toujours été d’un caractère impatient et il ne
perdit pas beaucoup de temps à attendre. Il fit construire par ses charpentiers
des ponts de bois légers et mobiles pour enjamber les brèches des chaussées et
il nous livra une offensive soudaine des trois côtés à la fois. Cependant, nos
guerriers n’étaient pas encore affaiblis par la famine et les trois colonnes
des Espagnols et de leurs alliés furent arrêtées comme si elles s’étaient
heurtées à un mur de pierre. Beaucoup moururent et le reste fit retraite en
emportant les blessés.
Cortés attendit quelques jours et il refit une autre tentative qui
échoua encore plus lamentablement. Cette fois, quand l’ennemi voulut envahir la
ville, nos acali de guerre s’élancèrent et nos guerriers grimpèrent sur les chaussées
derrière les premières vagues d’attaquants. Ils basculèrent les ponts mobiles
et une bonne partie des assaillants se trouva isolée avec nous dans la
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