Azteca
cours de ma vie je me suis rendu compte que nos femmes étaient bien plus
savantes et bien plus précoces que nous pour tout ce qui touche aux mystères du
sexe. Je pense qu’il en est de même pour les femmes de toutes les races, y
compris la vôtre, car il semble que depuis leurs plus tendres années, elles se
plaisent à chuchoter entre elles, à échanger les secrets qu’elles apprennent
sur leur corps et sur le corps des hommes et à bavarder avec des veuves et des
vieilles commères qui, peut-être parce qu’elles se sont asséchées depuis
longtemps, prennent un malin plaisir à initier les jeunes filles au jeu des
artifices, des ruses et des pièges.
Je regrette de ne pas être encore assez instruit dans ma nouvelle
religion pour connaître toutes les règles et toutes les restrictions sur ce
sujet, mais je crois bien qu’elle rejette toute manifestation de la sexualité,
à part un accouplement occasionnel entre une femme et un mari chrétiens dans le
but de procréer un enfant chrétien. Nous aussi, les païens, nous observions
quelques lois et un grand nombre de traditions à propos du comportement sexuel.
Il fallait qu’une fille reste vierge jusqu’à son mariage et on ne
l’encourageait pas à se marier jeune car notre religion pensait qu’au-delà d’un
certain nombre d’enfants par génération, nos ressources et notre espace vital
se trouveraient en diminution. Une jeune fille pouvait également choisir de ne
pas se marier et de rejoindre l’auinimi où les femmes exerçaient une activité
légitime sinon recommandée au service des guerriers. Si une fille ne pouvait
pas se marier, à cause de sa laideur ou de quelque autre défaut, elle avait la
ressource de se vendre comme maatitl et de partir sur les mauvais chemins. Il y
avait aussi des filles qui préservaient leur virginité afin d’avoir l’honneur
d’être sacrifiées au cours d’une cérémonie où il fallait une vierge et
d’autres, pour pouvoir, comme vos nonnes, servir toute leur vie d’assistantes
aux prêtres des temples ; mais il y avait des doutes sur la nature de
cette assistance et la réalité de leur virginité.
Pour les hommes, la chasteté avant le mariage n’était pas exigée. Ils
avaient toujours à leur disposition des maatitl consentantes et des femmes
esclaves, consentantes ou non. De plus il est bien difficile de faire la preuve
de la non-virginité d’un homme et de celle d’une femme aussi, quand elle a pris
le temps de faire ses préparatifs avant la nuit de noces. On connaissait des
vieilles qui élevaient des pigeons qu’elles nourrissaient avec les graines
rouges d’une certaine fleur et qui vendaient leurs œufs aux soi-disant vierges.
Un œuf de pigeon est assez petit pour être introduit à l’intérieur d’une femme,
ni vu ni connu et la coquille en est si fragile que dans son émotion, le jeune
marié la brise sans s’en rendre compte et le jaune de cet œuf a la même couleur
que le sang. Ces commères vendent aussi une pommade astringente qui resserre
l’orifice le plus relâché et le plus béant au point qu’il redevient aussi
étroit que celui d’une adolescente…
Puisque vous me l’ordonnez, j’essayerai désormais de m’abstenir de
donner tant de détails.
Pour trois raisons, le viol n’était pas très fréquent chez nous.
Premièrement, il était presque impossible d’en commettre un sans se faire
prendre, car nos communautés étaient si réduites que tout le monde se
connaissait et qu’un étranger était immédiatement repéré. Ensuite, parce que
c’était un crime bien inutile étant donné qu’il y avait plein de maatitl et de
femmes esclaves pour satisfaire les désirs pressants des hommes et surtout
parce que le viol était puni de mort, ainsi que l’adultère et le cuilonyotl,
acte de chair entre deux nommes et le patlachuia, acte de chair entre deux
femmes. Mais ces deux derniers délits, sans doute assez fréquents, étaient
rarement découverts, sauf si les partenaires étaient pris sur le fait. De
telles fautes, tout comme la perte de la virginité, sont bien difficiles à
prouver.
Il est bien évident que je ne parle pour le moment que des pratiques
condamnées par les Mexica. A part les libertés et les débordements sexuels
autorisés pendant les cérémonies de la fécondité, les Mexica étaient plutôt des
gens austères comparés à d’autres peuples. Lorsque j’allai pour la première
fois au pays des Maya, loin d’ici vers le sud, je
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