Azteca
xochimiqui dévalait les marches raides des temples pyramides,
des bouchers en découpaient les parties comestibles et les distribuaient aux
personnes qui s’étaient massées sur les places.
On brisait les crânes pour en retirer le cerveau, on coupait bras et
jambes en petits morceaux, on faisait des tranches avec les parties génitales
et les postérieurs, on enlevait les foies et les reins. Ces rations n’étaient
pas simplement jetées en pâture à une populace d’esclaves, elles étaient
soigneusement partagées et la foule attendait avec une patience remarquable.
Pour des raisons évidentes, les cerveaux étaient attribués aux prêtres et aux
sages, les muscles des bras et des jambes aux guerriers, les parties génitales
aux jeunes mariés, les postérieurs et les entrailles de moindre importance
étaient donnés aux femmes enceintes, aux nourrices et aux familles nombreuses.
Les restes des têtes, des mains, des pieds et des torses où il y avait plus
d’os que de chair, furent mis de côté pour fertiliser les cultures.
Ce festin de chair fraîche avait-il ou non été prévu par les
organisateurs de la Guerre Fleurie ? Je n’en sais rien. Depuis longtemps,
les habitants de ces régions avaient mangé le dernier gibier, le dernier oiseau
domestique et le dernier chien comestible. Ils s’étaient nourris de lézards,
d’insectes et de cactus, mais ils n’avaient jamais encore mangé leurs parents
ou leurs voisins qui avaient succombé aux Temps Difficiles. C’était peut-être
une énorme perte de potentiel nutritif, mais dans tous les pays les affamés
avaient toujours enterré ou brûlé, selon la coutume, leurs congénères morts de
faim. Mais cette fois, grâce à la Guerre des Fleurs, ils avaient à leur
disposition une quantité de cadavres d’ennemis qui ne leur étaient pas
apparentés, même si ce n’étaient que des ennemis par définition, et il n’y
avait donc pas d’empêchement à s’en repaître.
Au lendemain des guerres suivantes, on n’assista plus jamais à un tel
phénomène. Etant donné qu’il n’y eut plus jamais, par la suite, une faim aussi
générale et dévorante à assouvir, les prêtres instituèrent des règles et des
rites pour la consommation de la chair des victimes. Les guerriers victorieux
n’avaient droit qu’à deux morceaux des muscles de leurs ennemis qu’ils se
partageaient en grande cérémonie. La plus grande partie de la chair était,
répartie entre les plus déshérités – des esclaves, en général – ou servait à
nourrir les animaux dans les villes où il y avait une ménagerie publique, comme
à Tenochtitlân.
Quand elle est correctement préparée, assaisonnée et grillée, la chair
humaine, comme celle de presque tous les animaux, a un goût très agréable, et
c’est un mets très nutritif quand il n’y a pas d’autre viande à manger.
Cependant, tout comme il est prouvé que les mariages entre proches parents chez
les nobles de notre pays n’ont pas produit de descendance supérieure, bien au
contraire, je pense qu’on pourrait démontrer que les humains qui se
nourriraient d’autres humains dégénéreraient de la même façon. Si le sang d’une
lignée est amélioré par des unions extra-familiales, le sang de l’homme se
fortifie en absorbant la chair des autres animaux. Aussi, après les Temps
Difficiles, l’usage de manger les xochimiqui immolés ne devint qu’une pratique
religieuse de plus, sans grande importance, sauf chez les plus misérables.
Coïncidence ou pas, cette première Guerre des Fleurs fut un tel succès,
que nos six pays continuèrent à se rencontrer de temps en temps pour se
préserver contre le mécontentement éventuel des dieux et du retour des Temps
Difficiles. Je dois dire que les Mexica n’eurent plus souvent besoin de
recourir à ce stratagème, car Motecuzoma et les tlatoani qui lui succédèrent ne
laissèrent plus se passer beaucoup d’années entre les vraies guerres. Il
s’écoulait peu de jours où nous n’avions pas une armée en guerre pour étendre
le nombre de nos tributaires. Mais les Acolhua et les Tecpaneca qui avaient peu
d’ambition, dépendaient des Guerres Fleuries pour pourvoir leurs dieux de Morts
Fleuris. Comme Technotitlân en avait été l’instigatrice, elle continua
volontiers à y participer : la Triple Alliance contre les Texcalteca, les
Mixtéca et les Huexotin.
Quant aux guerriers, peu leur importait. Guerre punitive ou Guerre
Fleurie, un soldat a
Weitere Kostenlose Bücher