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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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elles
ne voulaient pas que leurs discours fussent entendus. Deux ou trois
d'entre elles consignaient dans des registres les rapports des
autres, à ce qu'il semblait ; quand elles n'étaient pas
occupées de ce soin, l'une d'elles recourait aux journaux qui
étaient éparpillés sur la table, et lisait aux autres, à voix
basse, dans la Chronique de Saint-James, le Messager, la Chronique
ou l'Avertisseur public, quelque passage relatif à la question qui
les intéressait tous si profondément. Mais ce qui attirait le plus
leur attention, c'était un pamphlet intitulé le Foudroyant, qui
avait épousé leurs opinions et que l'on supposait, à cette époque,
émaner directement de l'Association. Il était toujours demandé, et,
soit qu'il fût lu tout haut à un petit groupe avide ou médité par
un lecteur isolé, la lecture en était infailliblement suivie d'une
conversation orageuse et de regards très animés.
    Au milieu de son allégresse et de son
admiration pour son capitaine, Hugh reconnut, à ces signes et
d'autres encore, l'air de mystère qui l'avait déjà frappé avant
d'entrer. Il était clair comme le jour qu'il y avait là-dessous
quelque projet sérieux, et que les bruyantes régalades du cabaret
cachaient des menées dangereuses. Peu ému de cette découverte, il
n'en était pas moins satisfait de ses quartiers, et il y serait
demeuré jusqu'au matin si son conducteur ne s'était levé bientôt
après minuit pour rentrer chez lui. M. Tappertit, ayant suivi
l'exemple de M. Dennis, ne laissa plus à Hugh aucun prétexte
de rester. Ils quittèrent donc ensemble la taverne tous les trois,
en braillant une chanson de
Pas de papisme
à faire
retentir toute la campagne de ce vacarme affreux.
    « Allez, capitaine ! cria Hugh
lorsqu'ils eurent braillé jusqu'à en perdre la respiration. Encore
un couplet ! »
    M. Tappertit, sans la moindre répugnance,
recommença ; et le trio continua sa route d'un pas chancelant,
bras dessus, bras dessous, poussant des cris enragés et défiant le
guet avec une grande valeur. Il est vrai qu'il n'y avait pas à cela
une grande bravoure ni une hardiesse exagérée, vu que les watchmen
d'alors, n'ayant pas d'autres titres à leur emploi qu'un âge très
avancé et des infirmités constatées, s'enfermaient d’habitude
hermétiquement et vivement dans leurs guérites aux premiers
symptômes de troubles et n’en sortaient que quand ils avaient
disparu. M. Dennis, qui avait une voix de basse-taille et des
poumons d’une puissance considérable se distinguait
particulièrement dans ce genre, ce qui lui fit beaucoup d’honneur
auprès de ses deux compagnons.
    « Quel drôle de garçon vous êtes !
dit M. Tappertit. Vous êtes joliment discret et réservé.
Pourquoi ne dites-vous jamais votre profession ?
    – Répondez tout de suite au capitaine,
cria Hugh en lui enfonçant son chapeau sur la tête. Pourquoi ne
dites-vous jamais votre profession ?
    – J’ai une profession aussi distinguée,
frère, que n'importe quel gentleman en Angleterre… une occupation
aussi douce que n'importe quel gentleman peut en désirer une.
    – Avez-vous fait un apprentissage ?
demanda M. Tappertit.
    – Non. Génie naturel, dit M. Dennis.
Pas d’apprentissage. Ça m'est venu tout seul. Maître Gashford
connaît ma profession. Regardez cette main que voici ; eh
bien ! elle a fait plus d'une besogne avec une propreté et une
dextérité inconnues auparavant. Lorsque je regarde cette main, dit
M. Dennis en l’agitant en l’air, et que je me rappelle les
élégantes besognes qu’elle a troussées, je me sens tout à fait
mélancolique de penser que je deviens vieux et faible. Mais voilà
la vie du monde ! »
    Il poussa un profond soupir en s'abandonnant à
ces réflexions, puis, mettant d'un air distrait ses doigts sur la
gorge de Hugh, et particulièrement sous l’oreille gauche comme s’il
étudiait le développement anatomique de cette partie de sa
constitution, il hocha la tête d’une manière consternée et versa de
vraies larmes.
    « Vous êtes une espèce d’artiste, je
suppose… hein ? dit M. Tappertit.
    – Oui, répliqua Dennis, oui… Je peux
m’appeler un artiste… un ouvrier de fantaisie, « l’art
embellit la nature ; » telle est ma devise.
    – Et comment appelez-vous ceci ? dit
M. Tappertit en lui prenant le bâton qu'il avait à la
main.
    – C'est mon portrait qui est en haut,
répliqua Dennis, le trouvez-vous

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