Bataillon de marche
Juifs ! Cogne dedans ! Vas-y !
Heide crache :
– Tiens, Satan ! Voilà pour ton cul !
La grenade file en hurlant vers son but. Pas un seul T 34 n’arrive à atteindre un Tigre ; le tout dure une bonne heure. Puis c’est fini. L’attaque russe s’est éteinte dans le feu et dans le sang, mais tous nos chars légers sont anéantis.
– Après ça, je n’aimerais pas être technicien chez Joseph Staline, rêve Porta. Ils vont en prendre, de ne pas savoir sortir un char comme nos Tigres !
– Attends un peu, dit Alte. Ils y viendront. Il y a la Sibérie pour rafraîchir leurs capacités ; avant qu’on ait le temps de se retourner, ils l’auront leur ménagerie.
– A ce moment-là, j’espère bien être pensionné.
Et Porta alluma sa marihuana.
Ce jour-là, îles Russes se rendirent compte qu’une percée dans ce secteur du front était impossible. Quant à nous, essuyant nos visages ruisselants, nous ouvrîmes les écoutilles. L’air frais faisait du bien ; c’était une sorte de vin merveilleux ; tout autour, on ne voyait que morts et blessés au milieu des chars incendiés, et tout paraissait irréel, un film qui ne nous regardait pas.
Tout à coup, c’est Alte qui les voit… Il doit y en avoir plus de cent. Des T 34 ! Ils filent à toute allure de l’autre côté de la ligne de chemin de fer. Ce qu’ils veulent ? Nous le comprenons tout de suite ; c’est nous couper la retraite, nous tourner, tactique que nous connaissons bien et dans laquelle les Russes sont passés maîtres à cause de l’extraordinaire sang-froid de leurs équipages.
Guère de temps pour la réflexion. Alte passe la nouvelle au commandant qui donne l’ordre de la retraite. Formation en pointe, et en route à toute allure. C’est une course contre la mort. On traverse des maisons en flammes ; les poutres en feu dégringolent avec fracas ; plus d’ordre ou de distance, chaque char file individuellement vers nos lignes salvatrices.
Mais voilà les chars ennemis qui foncent dans la plaine rase pour gagner l’abri des collines, à l’ouest de la voie ferrée. Le téléphone résonne : distance 800 mètres. Lance-grenades, feu !
Les pointes se touchent dans l’optique. Les T 34 sont juste devant nous. J’appuie sur le détonateur électrique. Un vrombissement. Une flamme sort de la bouche du canon. L’instant suivant, un éclair jaillit du T 34 et une fumée d’un noir d’encre s’élève en un champignon immense. Puis c’est l’explosion qui déchire les chars et les hommes.
Les dynamos ronflent ; la tourelle et le gros canon virent ; dans le périscope, on aperçoit un nouveau T 34.
– Distance 700, dit Alte.
Les chiffres défilent à toute allure, le 700 apparaît, les pointes se rencontrent. Nouvelle flamme, nouvelle explosion. La tourelle du troisième char décapité est projetée en l’air comme une balle.
– Un membre du parti a sauté, ricane Porta.
Mais la situation est sans espoir ; nous fuyons à toute allure devant des chars allemands en flammes, dont les équipages ne sont plus que des momies carbonisées. On ralentit pour permettre à quelques grenadiers de grimper sur le véhicule. Sanglants, blessés, sans armes. En un instant, la tourelle et le capot sont couverts d’hommes ; quelques-uns retombent, on n’y peut rien, il faut marcher, marcher… Chaque seconde vaut son poids d’or. Des mains s’accrochent aux panneaux.
– Camarades, emmenez-nous ! Ne nous abandonnez pas !
Porta freine un rien. Alte crie, furieux :
– Marche, imbécile !
– Ta gueule ! Si ça me plaît j’arrête jusqu’à ce que cette boîte à merde se rouille ! Panjemajo ?
– Porta, ordonne le Vieux menaçant, c’est un ordre !
Le fracas d’un éclat métallique interrompt notre chef. Le char en vacille, les blessés hurlent.
– Marche ! Es-tu fou ? Les rasbombes arrivent !
Porta ricane, indifférent, mais met les gaz ; il repousse son chapeau jaune sur l’occiput et change de vitesse. Comme conducteur, c’est le génie de la division. On entend des cris déchirants.
– Il y en a un sous les chenilles, murmure le légionnaire. Que la volonté d’Allah soit faite.
Il déroule son tapis de prières et se courbe vers l’est.
Le lieutenant Ohlsen déclara un jour que le légionnaire n’avait d’entrailles pour rien, sauf en ce qui concernait Allah. Le légionnaire se moque de tout, n’a de pitié pour personne, mais il y a deux sujets sur
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