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Ben-Hur

Ben-Hur

Titel: Ben-Hur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lewis Wallace
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toujours rusé, toujours prêt à crier aux faibles   : « Reste en arrière, repose-toi, jouis de la vie, » le monde avait trouvé ce soir-là un allié dans la personne de la compagne de Ben-Hur.
    – As-tu jamais été à Rome   ? lui demanda-t-il tout à coup en se penchant vers elle.
    – Non, répondit Esther.
    – Aimerais-tu à y aller   ?
    – Je ne le crois pas.
    – Pourquoi   ?
    – J’ai peur de Rome, répondit-elle d’une voix tremblante.
    Il distinguait à peine sa figure à la lumière indécise des étoiles, mais pour la seconde fois elle lui rappela Tirzah, et un sentiment de tendresse soudaine s’empara de lui. C’est ainsi que sa sœur disparue était debout près de lui, sur le toit de leur maison, en ce matin de malheur où Gratien eut son accident. Pauvre Tirzah   ! Où donc était-elle maintenant   ? Esther bénéficia de l’émotion que son souvenir éveillait. Il se dit que si elle n’était pas sa sœur, jamais, du moins, il ne pourrait la considérer comme sa servante   ; si elle l’était légalement, c’était une raison de plus pour la traiter avec bonté et considération.
    – Je ne puis me représenter Rome, continua-t-elle, comme une ville pleine de palais, de temples et d’une foule affairée   : elle est pour moi un monstre qui a pris possession d’un des plus beaux pays de la terre et qui s’y tient accroupi, cherchant à fasciner les hommes par ses regards, afin de les précipiter dans la ruine et la mort, un monstre auquel personne n’oserait résister, un vampire gorgé de sang. Pourquoi   ?…
    Elle hésita, puis s’arrêta en baissant les yeux.
    – Continue, lui dit doucement Ben-Hur.
    Elle se rapprocha de lui, releva la tête et reprit   :
    – Pourquoi t’en ferais-tu une ennemie   ? Pourquoi ne ferais-tu pas plutôt la paix avec elle, afin de vivre tranquille   ? Tu as eu bien des chagrins, tu les as supportés, tu as échappé aux embûches de tes ennemis. La douleur a dévoré ta jeunesse. Aurais-tu raison de lui livrer encore le reste de tes jours   ?
    La gracieuse figure de la jeune fille devenait de plus en plus blanche à mesure qu’elle plaidait sa cause.
    – Que voudrais-tu que je fisse, Esther   ? lui demanda-t-il à demi-voix.
    Elle hésita un moment, et l’interrogea au lieu de répondre à sa question.
    – Y a-t-il une maison d’habitation sur ta propriété, près de Rome   ?
    – Oui.
    – Est-elle belle   ?
    – Très belle. C’est un palais bâti au milieu d’un jardin où murmurent des fontaines   ; ses bosquets ombreux sont pleins de statues   ; tout autour s’élèvent des collines, couvertes de vignes et si hautes que de leur sommet on voit Naples, le Vésuve et la mer sillonnée de voiles. César a une résidence d’été tout à côté, mais à Rome on dit que l’ancienne villa d’Arrius est la plus belle des deux.
    – Et la vie y est paisible   ?
    – Jamais jours d’été, jamais nuits éclairées par la lune ne furent plus tranquilles que ceux que j’y passai quand il ne s’y trouvait pas d’amis en visite. Depuis que son premier propriétaire est mort et que je suis ici, rien ne doit plus rompre le silence qui règne dans la maison et dans les jardins, si ce n’est la voix étouffée de quelque domestique, le gazouillement des oiseaux et le murmure des fontaines   ; tout y demeure dans l’état où je l’ai laissé. La vie que je menais là-bas, Esther, était trop facile pour moi. Je sentais que moi – qui avais tant à faire, je me laissais enchaîner par des chaînes de soie   ; si j’avais tardé encore à m’en arracher, les années auraient passé, la fin serait venue, et je n’aurais accompli aucun de mes devoirs.
    Elle resta immobile, les yeux fixés sur la rivière.
    – Pourquoi me demandes-tu tout cela   ? lui dit-il.
    – Mon bon maître…
    – Non, non, Esther, pas cela. Appelle-moi ton ami, ton frère, si tu veux. Je ne suis pas ton maître, je ne veux pas l’être. Oui, appelle-moi ton frère.
    Il faisait trop sombre pour qu’il pût remarquer l’expression radieuse du visage rougissant de la jeune fille.
    – Je ne puis comprendre, murmura-t-elle, qu’on puisse ne pas préférer l’existence que tu menais là-bas à… une vie…
    – À une vie de dangers et peut-être à une vie sanglante, veux-tu dire   ?
    – Oui, répondit-elle, je ne te comprends pas.
    – Esther, tu te trompes. Il ne s’agit pas de préférence, hélas   ! Si je

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