Ben-Hur
l’attendaient. À ce moment, Malluch vit de sa place Ben-Hur se pencher sur ses arabes et leur rendre la main. Il brandissait son fouet au-dessus de leurs têtes, mais sans les toucher. Ils semblaient avoir emprunté les ailes du vent, on eût dit que leur conducteur, le visage en feu, les yeux brillants, leur communiquait sa volonté. En moins d’une seconde, il avait rattrapé le Romain ; celui-ci les entendait près de lui, mais il se trouvait trop près du but pour oser regarder en arrière, afin de s’assurer des intentions de Ben-Hur. Les spectateurs ne lui fournissaient aucune indication ; au milieu du vacarme général, il ne distinguait qu’une voix, tout près de son oreille, celle du Juif qui encourageait ses arabes, en leur parlant dans cette vieille langue araméenne, dont le cheik se servait de préférence.
– Vite, Ataïr ! Courage, Rigel ! Comment, Antarès, tu resterais en arrière ! Bravo, Aldébaran ! Je les entends chanter sous les tentes, les femmes et les enfants, ils racontent la victoire de ces étoiles, Ataïr, Antarès, Rigel et Aldébaran. Bien, bien, mes fidèles ! Demain nous retournerons sous les tentes noires ! Voilà qui est fait ! Ah ! ah, nous avons humilié l’orgueilleux. La main qui nous a frappé est dans la poussière ! À nous la victoire, à nous la gloire ! Halte ! nous avons gagné !
Jamais rien de semblable ne s’était passé plus simplement, ni d’une façon aussi instantanée. Messala allait avoir contourné le piédestal ; pour le dépasser, Ben-Hur traversa la piste et les milliers de personnes étagées dans les galeries, devinant son intention, le virent faire un signal. Son char passa à côté de celui de Messala en le serrant de si près que les roues se frôlèrent. On entendit un craquement qui retentit dans tout le cirque : l’instant d’après le char du Romain jonchait le sable de ses débris et Messala, pris dans ses rênes, était étendu à côté. Pour comble d’horreur, le Sidonien, incapable de retenir ses chevaux, se précipitait sur l’équipage renversé. Les deux autres quadriges suivaient Ben-Hur, qui ne s’était pas laissé un instant arrêter dans sa course vertigineuse.
Les spectateurs se levaient, montaient sur les bancs en criant et en gesticulant et remplissaient le cirque de leurs applaudissements. Pendant ce temps, Messala restait étendu près de son char brisé et de ses chevaux, qui se débattaient hors d’eux de frayeur. On le tenait pour mort, mais ceux qui s’en mettaient en peine formaient le petit nombre, tous les yeux suivaient Ben-Hur. Quelques personnes seulement l’avaient vu faire obliquer ses chevaux, juste assez pour que la pointe garnie de fer de l’axe de son chariot accrochât la roue de son adversaire. Les autres ne s’étaient aperçu que du changement soudain de son maintien. Quelle course, que la sienne ! Les chevaux semblaient voler comme des oiseaux et bondir comme des lions. Le Corinthien et le Bysantin n’avaient pas encore atteint la moitié de la longueur du cirque que déjà Ben-Hur s’arrêtait devant le but final. La victoire était à lui !
Le consul se leva, le peuple criait à en perdre la voix et le président des fêtes descendit dans l’arène pour couronner les vainqueurs.
L’homme qui remportait le premier prix parmi les lutteurs était un Sayon au front bas, aux cheveux jaunes, dont le visage brutal attira l’attention de Ben-Hur. Il reconnut un gladiateur qui lui avait donné des leçons à Rome. Le jeune Juif tourna ensuite ses regards sur Simonide et ses compagnons. Ils lui faisaient des signes et Iras lui adressa le gracieux sourire qu’elle réservait à Messala, lorsqu’elle croyait qu’il gagnerait les honneurs de la journée. Enfin la procession se reforma aux acclamations de la foule et disparut bientôt sous la porte du Triomphe.
Ben-Hur resta avec Ilderim dans l’hôtellerie, située près du cirque, où ils étaient descendus la veille. Vers minuit, ils devaient se mettre en route pour suivre la caravane qui les précédait de plusieurs heures. Le cheik était parfaitement heureux. Il avait fait à Ben-Hur des offres royales, mais celui-ci les avait refusées, en l’assurant que l’humiliation de son ennemi lui suffisait pleinement.
– Songe à ce que tu as fait pour moi, disait le cheik. Le renom de ma Mira et de ses enfants s’étendra jusqu’aux tentes noires qui se trouvent près du golfe
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