Ben-Hur
source.
– Nous sommes tes obligés, fils de Hur, dit-il de sa voix grave. Ce vallon délicieux, cette herbe, ces arbres, cette ombre nous invitent à nous y reposer. Cette eau rafraîchissante, dont chaque goutte étincelle comme un diamant, chante à mes oreilles les louanges du Dieu d’amour. Mais il ne me suffit pas de te remercier pour les jouissances que tu nous as procurées. Viens, je te prie, t’asseoir près de nous et goûter à notre pain.
– Permets avant tout que je te donne à boire, répondit Ben-Hur, en lui tendant la coupe pleine d’eau.
Un esclave leur apporta des linges pour essuyer leurs mains, puis, quand ils eurent terminé leurs ablutions, ils s’assirent, à la manière orientale, sous la tente qui, bien des années auparavant, avait abrité les trois mages au désert, et mangèrent de grand cœur les aliments tirés des bagages des Égyptiens.
– Lorsque nous avons failli te devancer, fils de Hur, ton visage semblait être tourné comme les nôtres, vers Jérusalem, dit Balthasar, à la fin du repas. Ne t’offense donc point si je te demande si tu t’y rends également.
– Oui, je vais à la sainte cité.
– Comme j’ai grand besoin d’éviter d’inutiles fatigues, je te demanderai encore s’il existe une route plus courte que celle qui passe par Rabbath-Ammon.
– Il y en a une plus mauvaise, mais plus courte, qui passe par Gerasa et Rabbath-Gilead ; c’est celle que je compte suivre moi-même.
– Je suis impatient d’arriver, dit Balthasar, ces derniers temps mon sommeil a été visité par des rêves, ou plutôt par un rêve, toujours le même. Une voix, – ce n’est qu’une voix – me crie : Hâte-toi, lève-toi ! Celui que tu as si longtemps attendu va paraître.
– Tu veux parler de celui qui doit être le roi des Juifs.
– De quel autre pourrait-il être question ?
– Tu n’as donc rien appris de nouveau à son sujet ?
– Rien, si ce n’est ce qu’en disait cette voix.
– Alors voici des nouvelles qui te réjouiront comme elles m’ont réjoui.
Ben-Hur prit dans sa ceinture la lettre de Malluch. D’une main tremblante l’Égyptien la déplia et la lut à haute voix, puis il s’écria avec émotion :
– Ta bonté envers moi a été grande, ô Dieu ! Accorde-moi, je te prie, la grâce de voir encore une fois le Sauveur et de l’adorer, et ton serviteur sera prêt à s’en aller en paix.
Les paroles, les manières, la personnalité étrange de celui qui venait de prononcer cette simple prière, produisirent sur Ben-Hur une impression profonde. Jamais Dieu ne lui avait paru si vivant, ni si près ; il lui semblait qu’il se trouvait en cet instant à leur côté, qu’il était un ami, un père, le père des gentils aussi bien que des Juifs, le père universel, auquel tous ses enfants pouvaient aller, sans qu’il fût besoin d’intermédiaires, de rabbis, de prêtres, ni de docteurs. La pensée qu’un Dieu semblable pourrait envoyer à la terre un Sauveur, au lieu d’un roi, se présenta à son esprit sous un jour tout nouveau ; il commençait à comprendre non seulement qu’un don pareil serait plus adapté aux besoins de l’humanité, mais encore qu’il serait plus conforme à la nature d’un Dieu pareil. Pourtant il ne put s’empêcher de dire :
– Penses-tu toujours, ô Balthasar, que celui qui va venir sera un Sauveur et non pas un roi ?
– Oui, répondit l’Égyptien, je n’ai pas changé d’opinion. Je vois qu’il y a encore la même différence entre nous. Tu te prépares à aller à la rencontre d’un roi et moi à celle du Sauveur des âmes. Mais levons-nous et reprenons notre route. Il me tarde de voir de mes yeux celui qui est l’objet constant de mes pensées. Si je vous presse ainsi, fils de Hur, et toi ma fille, que ce soit là mon excuse.
L’esclave, sur un signe du vieillard, replia la tente et la serra, avec les restes du repas, dans une caisse placée au fond du palanquin, pendant que l’Arabe allait chercher les chevaux qui paissaient en liberté auprès du ruisseau. Peu d’instants plus tard, ils revenaient sur leurs pas et longeaient de nouveau la gorge étroite, avec l’espoir de rejoindre la caravane.
Elle était très pittoresque, cette caravane, mais elle avançait lentement. Bientôt Balthasar et ses compagnons, perdant patience, décidèrent de continuer leur voyage sans plus s’inquiéter d’elle. Le soir les trouva campés dans le
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