Ben-Hur
paissaient dans les plaines et les montagnes et jusque sur les pentes du Liban, ses comptoirs se trouvaient partout, ses vaisseaux allaient chercher pour lui de l’argent en Espagne, ses caravanes lui apportaient les soieries et les parfums de l’Orient. Fidèle observateur de la loi de Moïse, profondément attaché à la loi de ses pères, il avait sa place dans la Synagogue et le Temple le connaissait bien. Très versé dans la connaissance des Écritures, il faisait ses délices de la société des docteurs de la loi et poussait le respect d’Hillel jusqu’à l’adoration. Malgré cela il n’était pas séparatiste, son hospitalité s’exerçait envers tous les étrangers. Les Pharisiens l’accusaient même d’avoir reçu des Samaritains à sa table. Il aurait peut-être laissé un nom fameux dans l’histoire, s’il n’avait été enlevé prématurément à sa veuve et à ses deux enfants, le jeune homme et la jeune fille réunis en cette radieuse matinée de juillet, sur le toit de leur demeure.
Ils se ressemblaient. Tirzah avait comme son frère les traits réguliers, le type juif et une expression d’innocence presque enfantine. Elle était en costume de matin. Sa chemisette, boutonnée sur l’épaule droite, passait sous le bras gauche, qu’elle laissait entièrement découvert. Sa coiffure se composait d’une petite toque en soie, ornée d’un floc, d’où retombait une écharpe brodée qui s’enroulait autour de sa tête en plis si fins qu’ils n’en voilaient point les contours charmants. Elle portait des anneaux d’or aux doigts et aux oreilles, des bracelets entouraient ses poignets et ses fines chevilles. Un collier également d’or, composé d’une quantité de petites chaînes entrelacées, dont les extrémités se terminaient par des perles, s’étalait sur son cou. Les bords de ses paupières et les bouts de ses doigts étaient teintés de noir ; deux larges tresses de cheveux descendaient jusqu’à sa taille, et sur ses joues, droit au-dessus des oreilles, deux petites boucles venaient s’aplatir. Toute sa personne était d’une distinction et d’une grâce exquises.
– Très bien, très bien, ma petite Tirzah, s’écria Juda avec animation, lorsqu’elle eut fini de chanter.
– Tu trouves ma chanson jolie ?
– Oui, et la chanteuse tout autant. En sais-tu encore d’autres ?
– Une quantité, mais parlons d’autre chose. Amrah m’a chargée de te dire qu’elle t’apportera ton déjeuner et qu’il n’est pas nécessaire que tu descendes. Elle devrait être déjà ici. Elle te croit malade et prétend qu’il doit t’être arrivé quelque chose de terrible. Qu’est-ce donc ? Dis-le-moi et je l’aiderai à te soigner. Elle connaît les remèdes des Égyptiens, qui furent toujours de stupides personnages, tandis que moi, j’ai une foule de recettes provenant des Arabes qui…
– Sont plus stupides encore, interrompit Juda en secouant la tête.
– Le crois-tu vraiment ? Alors nous nous passerons des uns et des autres.
Elle porta la main à son oreille gauche et continua :
– J’ai ici quelque chose de bien meilleur et de bien plus sûr, l’amulette qui fut donnée à l’un de nos ancêtres, je ne saurais dire quand, tant il y a longtemps de cela, par un magicien perse. Vois, l’inscription en est presque effacée.
Elle lui tendit sa boucle d’oreille. Il la prit, la regarda un instant et la lui rendit en riant.
– Quand même je serais mourant, Tirzah, je ne ferais pas usage de ce charme. C’est une relique de l’idolâtrie dont tout croyant, parmi les enfants d’Abraham, doit se garder. Reprends-la, mais ne la porte plus, ces choses-là sont défendues !
– Défendues ! pas le moins du monde, s’écria-t-elle. La mère de notre père l’a portée tous les jours de sabbat, de plus elle a guéri je ne sais combien de personnes, trois pour le moins. L’efficacité en est reconnue par les Rabbis ; regarde, voilà leur attestation !
– Je n’ai pas foi aux amulettes.
Elle leva sur lui ses grands yeux étonnés.
– Que dirait Amrah, si elle t’entendait ?
– Le père et la mère d’Amrah cultivaient des oignons sur les bords du Nil.
– Mais Gamaliel ?
– Il dit que ce sont des inventions impies des incrédules et des infidèles.
Tirzah considérait l’anneau d’un air perplexe.
– Que dois-je en faire ? demanda-t-elle enfin.
– Porte-le, si tu y tiens, ma petite
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