Ben-Hur
prit une chaise et l’avança vers Ben-Hur. Leurs yeux se rencontrèrent, et doucement elle lui dit :
– Assieds-toi, je te prie, et que l’Éternel t’accorde sa paix.
Quand elle reprit sa place près de son père, sans avoir deviné le but de la visite de l’étranger, elle sentit, dans sa simplicité, qu’un blessé de la vie venait chercher du secours auprès d’eux.
Ben-Hur restait debout. Se tournant vers le marchand, il lui dit avec déférence :
– Je prie Simonide de ne point me considérer comme un intrus. J’ai appris, en remontant la rivière, qu’il avait connu mon père.
– J’ai, en effet, connu le prince Hur. Nous étions associés dans plusieurs affaires qui rapportent aux marchands des profits mérités, là-bas, au-delà des mers et des déserts. Mais assieds-toi, je te prie, et toi, Esther, offre-lui un peu de vin. Néhémie parle d’un fils d’Hur qui gouverna la moitié de Jérusalem, – une ancienne famille, – très ancienne assurément. Aux jours de Moïse et de Josué, quelques membres de cette famille ayant trouvé grâce devant l’Éternel, ont partagé les honneurs rendus aux princes parmi les hommes. Un de leurs descendants ne refusera pas de boire, dans ma maison, une coupe de vin de Soreck, crû sur le revers méridional des collines d’Hébron.
Il avait à peine fini de parler qu’Esther, les yeux baissés, présentait à Ben-Hur une coupe d’argent. Il repoussa doucement sa main et remarqua alors que la jeune fille était petite, mais très gracieuse, et que son visage fin et délicat était éclairé par des yeux noirs, au regard caressant. « Elle était bonne et jolie, pensait-il. Si Tirzah vit encore, elle doit lui ressembler. Pauvre Tirzah ! »
– Ton père, lui dit-il, – mais est-ce bien ton père qui est là ?
– Je suis Esther, la fille de Simonide, répondit-elle avec dignité.
– Ton père donc, belle Esther, quand il aura entendu ce que j’ai à lui dire, comprendra que je ne me presse pas de boire son vin fameux, et ne m’en jugera pas plus mal pour cela. J’espère également n’en pas moins trouver grâce à tes yeux. Reste près de moi un moment.
Ils se tournèrent en même temps vers le marchand, comme si la cause de l’un était devenue celle de l’autre.
– Simonide, dit Ben-Hur d’une voix ferme, mon père, au moment de son départ, possédait un homme de confiance, appelé comme toi, et j’ai entendu assurer que tu es cet homme-là.
Le marchand frissonna sous sa robe de soie et sa longue main décharnée se contracta.
– Esther, Esther ! cria-t-il d’une voix sévère, reviens ici. Aussi vrai que tu es la fille de ta mère et la mienne, ta place est ici et non là-bas.
Les yeux d’Esther errèrent un moment du visage de son père à celui de l’étranger, puis elle posa la coupe sur la table où elle l’avait prise et revint docilement auprès du fauteuil de l’invalide. Son visage exprimait à la foi la surprise et l’anxiété. Simonide leva sa main gauche et la glissa dans celle de sa fille.
– L’expérience que j’ai acquise, en frayant avec les hommes, m’a rendu vieux avant le temps, reprit-il. Que le Dieu d’Israël soit en aide à quiconque se voit contraint, au terme de sa carrière, d’avouer, comme moi qu’il ne croit plus à leur bonne foi. Les objets de mon affection ne sont pas nombreux. Le premier – il porta la main de sa fille à ses lèvres – est une âme qui, jusqu’ici, m’a appartenu entièrement et m’a été en si grande consolation que si quelqu’un venait à me l’enlever, j’en mourrais.
La tête d’Esther se pencha, si bas que sa joue touchait celle de son père.
– Les autres ne sont plus qu’un souvenir. L’amour que je leur portais, était, comme une bénédiction de l’Éternel, assez grand pour s’étendre à toute leur famille. Que ne sais-je – et sa voix, devenue soudain plus basse, tremblait – que ne sais-je où elles sont maintenant !
Ben-Hur fit un pas en avant et s’écria :
– Ma mère, ma sœur ! C’est d’elles que tu parles !
Esther leva la tête, comme s’il se fût adressé à elle ; mais Simonide répondit froidement :
– Écoute-moi jusqu’au bout. Avant de répondre à tes questions sur mes relations avec le prince Hur, je suis en droit d’exiger, en mon nom propre et au nom même de l’affection à laquelle je faisais allusion, que tu me fournisses des preuves de ton
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