Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
Vom Netzwerk:
pakistanais dont les rotatives produisaient par centaines de milliers les morceaux de papier vert à l’effigie du Mahatma Gandhi ; elles étaient ensuite expédiées à Katmandou, puis chargées dans des trains ou dans des camions pour être distribuées dans diverses régions de l’Inde. Là, elles s’échangeaient en dessous de leur valeur nominale contre du bon argent indien, ou, mélangées à des billets authentiques, elles étaient dépensées dans les bazars, les bars et les night-clubs. On a ici affaire à une nouvelle forme d’agression transfrontalière : le sabotage économique qui touche tout particulièrement Bombay, la capitale financière du pays. Le bruit court déjà que la Banque centrale indienne ne va plus accepter les billets de cinq cents roupies. Anticipant le mouvement, certains commerces ont décidé de les refuser, et les consommateurs se plaignent. L’hôtel où j’ai séjourné l’an dernier à Katmandou m’avait prévenu qu’il ne prenait pas ces coupures car il y en avait trop de fausses en circulation.
    « Nous ignorons vraiment tout du monde qui nous entoure, commente Anu tandis que nous rentrons tous les trois à pied. Je n’ai envie que d’une chose : m’enfermer à double tour à la maison et regarder un bon vieux film hindi. » Elle ne savait pas, jusque-là, qu’à deux pas de son bel appartement garni de plantes vertes coule un furieux torrent de violence criminelle, un fleuve de douleur au bord duquel elle vit.
    Vinod, lui, enchaîne tout de suite avec une séance de travail sur le projet de Mission Kashmir , lors de laquelle il explique à l’acteur Hrithik Roshan, qui tient le rôle du héros, ce qu’il attend de lui dans la scène finale : « Là, tu reçois une volée de balles dans le dos et tu tombes, comme ça », dit-il en s’allongeant de tout son long par terre, mimant la mort telle que se l’imagine un réalisateur de cinéma.
    « Fantastique ! » s’exclame la star.
     
    Ajay qui a grandi à Bandra était un champion de cricket dans sa jeunesse. Il est entré dans la police indienne en 1981, après avoir décroché sa licence en histoire et sciences politiques à l’Université de Bombay. Affecté dans divers services de la ville et de l’État du Maharashtra, il a grimpé les échelons petit à petit. Au fil des ans, il a appris à connaître en détail tous les rackets, petits et gros, organisés ici. Il me raconte par exemple que pour tracer à même le trottoir ces dessins à la craie de Jésus-Christ sur lesquels les passants jettent des pièces, il faut verser tous les six mois une patente de soixante-quinze mille roupies aux durs qui contrôlent le quartier.
    Son enquête sur les attentats à la bombe lui a valu d’être promu commissaire adjoint à la brigade criminelle où, pendant quatre ans, il fut chargé de traquer les terroristes et les malfrats sur l’ensemble du territoire de Bombay. À ce poste, il prit en 1996 une mauvaise décision professionnelle en ordonnant une perquisition chez Jaidev Thackeray, un des fils de Bal Thackeray. Il aura suffi au vieux Saheb de décrocher son téléphone pour obtenir, en punition de ce coup d’audace, la mutation d’Ajay dans la police du Maharashtra. Il y resta deux ans, à se morfondre en zone rurale et à régler les différends tribaux, jusqu’en 1998. Cette année-là, décidant que sa fâcheuse incorruptibilité était largement compensée par son expérience de la lutte antigang, les autorités le réintégrèrent dans les services de Bombay.
    Ajay nourrit une haine tenace envers l’industrie cinématographique. Son père était producteur de cinéma, mais il n’était pas de taille à se défendre et il y a laissé la vie. Il avait engagé Rajesh Khanna pour un film. Après avoir arrêté un calendrier en fonction des disponibilités de la superstar, il avait loué un studio pour une semaine et entrepris de construire un décor pour une séquence chantée. Le lundi, l’acteur ne se présenta pas, le mardi non plus. Le décor était prêt, l’équipe de tournage attendait et chaque jour de retard coûtait les yeux de la tête au producteur. Khanna ne vint jamais, et quand le samedi arriva il fallut démonter le décor de rêve. Le père d’Ajay eut sa première attaque ce jour-là.
    Quelque temps plus tard, il signa un nouveau contrat avec un autre grand de Bollywood, Vinod Khanna, et fixa les dates de tournage selon les indications de l’acteur. Mais il jouait de

Weitere Kostenlose Bücher