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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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qu’en transit.
GIRISH : UN TOURISTE DANS SA VILLE
    « Il te faut un sherpa », me disait un rédacteur en chef à l’époque où je rassemblais encore des renseignements pour écrire un article sur les émeutes. J’ai trouvé ce guide en la personne de Girish Thakkar, programmeur informatique dans la boîte d’un copain. Je ne pouvais pas mieux tomber ; Girish vit en touriste dans sa ville.
    Les voyages que nous effectuons de concert commencent généralement à Churchgate, où Girish prend le train pour rentrer chez lui. La gare regorge d’annonces qui incitent à la fuite : « Postes disponibles à l’étranger », titre un journal à la une ; ou cette affichette sous vitrine, à côté d’un chien endormi qui s’est trouvé là une niche, destinée à ceux qui voudraient prendre le mouvement à contresens :
    Ferme Encore (bâtiments + terrains)
    2000 roupies seulement le mètre carré
    40 arbres fruitiers
    (20 manguiers, 10 noyers de cajou, 10 divers)
    Village de Tukashi
     
    Les banlieusards qui se ruent en ville le matin et se traînent pour rentrer chez eux le soir lui jettent peut-être un regard et peut-être gardent-ils dans un coin de leur tête, pendant les longues heures de travail, le long trajet dans le wagon bondé, la vision rafraîchissante d’un petit village, d’une petite maison entourée de toutes parts d’arbres abondants aux branches chargées de fruits mûrs à souhait, d’un verger baigné d’un silence placide. Images d’une enfance passée à la campagne chez bonne-maman.
    Descendus du train à Jogeshwari, nous enjambons les voies qui traversent le slum pour arriver jusqu’à l’étroit passage non loin duquel se trouve la cabane de Girish. J’aurais été bien incapable de la trouver tout seul. La pièce ne désemplit pas. Les visiteurs s’y pressent du matin au soir, et quand de nouveaux arrivent ceux qui sont là depuis un bout de temps leur laissent la place sur le lit pliant, comme dans un jeu de chaises musicales sans fin. Tous se voient invités à déjeuner, et tous refusent car ce serait mal vu. Dedans, je dénombre une chaise pliante en métal, réservée aux hôtes de marque et qu’on m’a assignée d’autorité, un tabouret pour les gens qui viennent un peu trop souvent, un lit pliant métallique, une penderie métallique, une tablette qui supporte le réchaud à gaz, une télé, une table, quelques étagères. C’est tout le mobilier des sept personnes qui partagent cet espace : les parents et cinq enfants de vingt à trente ans. Assis à même le sol, le père écosse des petits pois. La lessive sèche sur les fils en plastique tendus au plafond et la porte reste ouverte jusqu’à une heure avancée ; de fait, il est exceptionnel de trouver porte close dans le slum. Toutes les fenêtres donnent du même côté que la porte, sur la venelle étroite. Un colporteur en tournée se plante sur le seuil pour proposer du « baume ayurvédique Vicks » qu’il propose à l’examen en tendant un flacon ouvert. Il est accueilli par des risées. On rit d’ailleurs beaucoup, ce soir. C’est jour de congé, et tout le monde a envie de profiter de cet événement rare : une soirée à la maison avec la famille au grand complet Les garçons prennent leur tour pour piquer un roupillon sur le lit de camp, côté mur de façon à laisser libre le bord sur lequel les autres s’assoient De toute sa vie Girish n’a jamais dormi chez lui seul dans un lit La maison Thakkar est un havre, un refuge. Pendant les émeutes, les femmes de trois familles sont restées cantonnées dans cette pièce réputée sûre, équipée qui plus est d’un téléphone dont voisins et amis venaient se servir pour s’enquérir avec angoisse de leurs proches. Elle a aussi abrité le marin bulgare qui s’était fait voler son argent et ses bagages à l’aéroport. Paresh, le jeune frère de Girish qui gagne sa vie en donnant des cours de danse disco, est tombé sur lui dans un hôtel, a vu son désespoir et l’a ramené chez ses parents. Le malheureux n’avait plus un sou pour gagner la côte du Gujerat où son navire était à l’ancre. La famille lui a donné l’argent du billet de train, puis elle s’est ravisée : ce type qui ne parlait pas la langue du pays allait forcément se faire à nouveau dévaliser. Pour être sûrs qu’il arrive à bon port, père et mère ont alors décidé que Paresh effectuerait avec lui jusqu’à la côte ce voyage de plusieurs

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