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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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achetons à Gautama une fleur de lotus, la fleur de Lakshmi, que nous payons sans discuter un prix exorbitant. Nous repassons par la librairie où nos achats nous attendent : une traduction de poèmes composés à la gloire de Vishnou par Antal, la grande poétesse tamoule du IX e  siècle ; une version en un volume du Bhagvata Purana {198}  ; et pour notre fils, la vie d’Ambedkar en bande dessinée. L’hindouisme tel que me l’a transmis ma grand-mère était une mystique rétive à l’analyse. Je l’ai redécouvert sous un angle bien différent dans les universités des États-Unis. Pour nous y retrouver dans ces histoires que les fidèles du temple connaissent par cœur, nous devons en passer par le savoir des universitaires américains.
     
    Akash, mon fils cadet, est un bébé serein, un bébé heureux et foncièrement content de l’être. Son sourire découvre la rangée blanche des dents prêtes à percer les gencives comme le poussin sa coquille. Il garde encore en lui une petite trace de sa vie d’avant mais il n’y en a plus pour longtemps. Un beau matin il est debout, agrippé au canapé. Depuis quelques heures déjà il nous envoyait des signaux. Un peu de fièvre et cette toux bizarre, on croirait entendre un chiot japper. Toute la nuit il s’est agité, et quand je me suis réveillé je l’ai trouvé sur notre lit où il était grimpé tout seul. Je l’ai posé par terre ; il a réitéré l’exploit et, dans la foulée, a émis un deuxième signal : il est passé de la position assise à la station verticale. Là, debout près du canapé il se fait les dents sur une bouteille en plastique qui soudain lui échappe et roule sur le plancher. Il la regarde s’éloigner puis, tournant le dos au canapé, il lance une jambe en avant, prend appui dessus, soulève l’autre et recommence, encore, encore, jusqu’à ce qu’il arrive à la bouteille. Inconscient de ce qu’il vient de réaliser – cette victoire sur la pesanteur remportée de manière si désinvolte, impeccable et hasardeuse à la fois –, sans songer à célébrer sa maîtrise juste acquise, il se penche et s’assied par terre pour se remettre à mâchouiller la bouteille. La scène a eu deux témoins : mon fils aîné et moi. Voilà plusieurs jours que je râlais d’être obligé de travailler à la maison où les enfants me dérangent constamment. Grâces soient rendues à ce désagrément ! Il m’a permis d’assister aux premiers pas de mon petit bonhomme, et cette vision restera à jamais gravée sur ma rétine.
    Je me rends compte depuis que je suis devenu père que le monde est peuplé d’enfants. Il n’y en avait pas quand j’avais vingt-cinq ans.
    J’avais promis à mes fils de rentrer à la maison dans l’après-midi et à dix heures du soir je suis toujours dans mon bureau d’Elco Arcade. J’avise un taxi garé devant l’immeuble et me dirige vers lui quand mon attention est attirée par un petit groupe de gosses. Le propriétaire de l’échoppe de produits laitiers vient de les chasser ; « Haadi ! » a-t-il crié, l’interjection utilisée pour faire déguerpir les chiens errants. Je m’arrête. Ils sont quatre : une gamine d’environ six ans, une autre petite fille et un garçon qui doivent avoir quatre ans, et le plus petit, un garçon qui n’a sûrement pas plus de deux ans. Seules les filles sont habillées, de robes plissées trop grandes et très sales ; les garçons vont nus comme des vers, à l’exception du rang de perles blanches qu’ils portent en sautoir. Ils se pressent autour de la plus grande pour examiner ce qu’elle vient d’extirper des détritus amoncelés derrière les étals des gargotes : un sandwich ; deux tranches de pain tartinées de chutney vert qu’elle dévore avec concentration sous les regards affamés des trois autres. Le plus petit en a vite assez : il est par trop évident qu’il n’aura pas une miette. Indolent, il se couche par terre et pour se distraire roule sur lui-même en effectuant un tour et demi – mouvement que je connais bien pour avoir souvent observé Akash : un tour et demi, cela suffit pour maculer d’eau fétide, de crotte de chien, de pulpe de fruit, de crachats de bétel et des habituelles cochonneries de la rue le corps brun tout nu, les petits bras, le ventre saillant. Il se relève et descend du trottoir avec cet air rêveur propre aux enfants. Taxis, bus, rickshaws foncent à vive allure, et lui a déjà parcouru

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