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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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hommes du Sena. Ils n’allèrent pas jusque-là, mais quand ils en eurent fini avec le père de Blackeye ils cassèrent tout ce qui leur tombait sous la main. Contraints d’abandonner leur appartement saccagé, les réprouvés passèrent trois jours dans un camp de transit. Les gargotiers du coin les chassaient sans même leur donner un verre d’eau, ils durent se nourrir de tomates pourries, mais le pire était encore à venir. « Après les émeutes, on a été obligés de mendier, se souvient Blackeye qui semble au bord des larmes. Il fallait tout quémander – des biscuits, des vêtements, l’aide des associations. » Puis Blackeye a grandi. Il a laissé tomber ses études pour entrer au service de mafieux musulmans. À son palmarès de tueur, figure notamment l’élimination de Gulshan Kumar, un riche producteur de musique qui se consacrait avec dévotion à la chanson populaire hindoue. « Après les émeutes, les jeunes de Pratiksha Nagar ont intégré en masse le gang Dawood. C’est surtout à cause de ça que j’y suis aussi. » La police de Bombay assimile les musulmans à des délinquants, attitude qui n’est pas sans rappeler la façon dont les forces de l’ordre américaines traitent les Afro-Américains. En décembre 1996, un journal publiait ce titre à la une : « La vérité en face : le risque de basculer dans la criminalité est plus fort pour un musulman que pour un hindou ». À en croire l’article, une enquête effectuée dans plusieurs commissariats révélait que les musulmans, qui représentent un peu moins de vingt pour cent de la population de Bombay, étaient responsables du tiers des délits commis dans la ville. De manière générale, les hindous auraient affaire à la justice pour des accidents, des escroqueries, des vols, alors que les musulmans seraient inculpés pour des actes nettement plus violents. L’auteur citait un inspecteur affecté au poste de police de Cuffe Parade : « Les musulmans se font arrêter pour des crimes tels que les extorsions de fonds, les viols et les meurtres, les affrontements entre bandes rivales, le vol organisé de voitures. Les hindous se font prendre pour malversation, attouchement sexuel [une forme d’agression à peine moins grave que le viol], escroquerie, vol et effraction. »
    Une confidence que je tiens de Sunil permet de relativiser ces propos : « La police a bien coopéré avec nous, pendant les émeutes. Deshmukh, le policier de Jogeshwari, n’était pas peu fier de pouvoir dire qu’il avait parlé au téléphone avec Balasaheb » – autrement appelé Bal Thackeray.
    Du 10 au 18 janvier 1993, l’activiste Teesta Setalvad a enregistré sur la fréquence radio de la police les conversations entre les patrouilles de rue et le centre de contrôle chargé de coordonner leurs activités. Voici un échantillon de ce qui se disait sur ces ondes :
     
    DONGRI I À CONTRÔLE  : Deux camions militaires chargés de lait et de rations viennent d’arriver. Ils sont guidés par le chef d’escadron Syed Rehmatullah… C’est la cohue… On a besoin de renforts.
    CONTRÔLE  : Qu’est-ce qui vous prend, bordel, de distribuer du lait à ces landyas {38} [enculés de circoncis, autrement dit musulmans] ? Vous voulez niquer leurs mères ? Bhenchod, ça grouille de mias {39} là-bas.
     
    Un peu plus tard, le même jour :
     
    DONGRI I  : Les gens qui étaient venus chercher du lait et des rations se sont dispersés.
    CONTRÔLE   : À qui il a été distribué, le lait ? Tu m’entends, madharchod {40}  ? Ne distribue pas de lait aux landyas. Tu as compris ?
    DONGRI I  : Oui, mais les deux camions… c’étaient des militaires. Le chef d’escadron s’appelle Syed Rehmatullah.
    CONTRÔLE  : Saisis ces véhicules. Fouille-moi ce landya. Et nique sa mère, nique l’imam Shahi.
     
    Un échange avec une autre patrouille :
     
    V.P. ROAD I À CONTRÔLE  : Un attroupement s’est formé devant le garage Maharashtra à Ghasgalli, sur Lamington Road, pour y mettre le feu. Envoyez des renforts.
    CONTRÔLE   : À tous les coups c’est un garage de landya. Laisse-les le cramer. Si jamais c’est à un Marathe, merde, tu laisses rien brûler qui appartient à un Marathe. Mais si c’est à un mia, bhenchod, mets-y le feu toi-même !
     
    Asad bin Saïf, militant dans une ONG qui lutte contre la haine dans les bidonvilles, m’a emmené à Radhabai Chawl, là où la famille hindoue a péri dans les flammes.

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