Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
Vom Netzwerk:
recette du concert (plus d’un million de dollars) à une association pour l’emploi des jeunes chapeautée par le Shiv Sena. Le passage de Michael Jackson à Bombay a cependant heurté pas mal de gens, notamment le propre frère de Thackeray, d’avis que les valeurs incarnées par le chanteur étaient assez étrangères à « l’indianité » : « Qui est Michael Jackson et quel lien mystérieux le rattache à la culture hindoue tant vantée par le Shiv Sena et par son patron, M. Thackeray ? »
    À quoi le Guide Suprême répondit : « Jackson est un grand artiste, il faut accepter l’artiste qu’il est. Il bouge de manière extraordinaire. Il n’y a pas beaucoup de gens capables de bouger comme ça. Ils finiraient par se rompre les os. » Après cette entrée en matière, Bal Thackeray abordait le fond du problème : « Qu’est-ce que c’est, la culture, après tout ? Il [Jackson] représente en Amérique des valeurs que l’Inde ne devrait avoir aucun scrupule à accepter. Nous avons accepté de bon cœur cette part de l’Amérique qu’incarne Jackson. » Pour remercier Thackeray de cet éloge, la star s’arrêta chez lui, sur le trajet de l’aéroport à l’hôtel, et pissa dans ses toilettes. Le Saheb guida les journalistes en bombant le torse jusqu’à la cuvette ainsi sanctifiée.
    Thackeray adhère également aux valeurs défendues par les vieilles dynasties industrielles du pays. Il aime les grandes entreprises, et ces dernières le lui rendent bien. Le Shiv Sena s’est fait les dents sur les communistes, dans les chawls {53} et les usines. Les syndicats sous son contrôle sont beaucoup plus fiables que ceux qui se réclament de la gauche. Ce ne sont pas les adhérents, qui alimentent les caisses du parti, mais les gros patrons de la ville : un concessionnaire de voitures, le propriétaire d’une compagnie aérienne, un marchand de diamants. À l’inverse, loin d’être issus de l’élite, les opposants à Bal Thackeray se recrutent en zone rurale, ou dans une bourgeoisie marathe en pleine expansion et parmi les écrivains marathes. Quant au pouvoir judiciaire, il laisse Thackeray de marbre. « Ras le cul des jugements des tribunaux, a déclaré le Saheb en juin 1993. Les juges ressemblent dans leur grande majorité à des rats porteurs de la peste. Il est temps de passer à l’action contre eux. »
     
    Le juge Srikrishna était souffrant. Assis en face de moi, dans son cabinet du palais de justice néogothique, il se massait le côté en grimaçant. Son médecin lui avait recommandé de moins s’impliquer dans son travail. Depuis près de quatre ans, il formait à lui tout seul une équipe d’investigation censée faire la lumière sur les causes et les responsabilités des émeutes. Le gouvernement lui a confié cette lourde tâche à la fin des troubles. « J’ai entendu ces pauvres veuves, ces orphelins […] et les policiers qui disaient que tous ces gens s’étaient soulevés spontanément, que tout cela n’était ni programmé ni coordonné… C’était difficile à avaler. Avant d’être juge, je suis un être humain doué de sensibilité. » Il n’avait cependant aucun pouvoir de justice, puisqu’en l’occurrence l’affaire, au lieu d’être portée devant le tribunal, a simplement donné lieu à la constitution d’une commission d’enquête chargée de rédiger un rapport et des recommandations. S’il avait pleinement pu exercer ses fonctions, le juge Srikrishna n’aurait pas hésité à poursuivre pour outrage à la cour ces policiers qui lui mentaient effrontément.
    Je lui ai demandé quand il pensait boucler le dossier. « Dans six mois au grand maximum, dit-il en jetant un regard au calendrier accroché au mur. J’en ai plus qu’assez. » Le gouvernement tenu par le Shiv Sena l’a suspendu en janvier 1996, puis, au vu du tollé national déclenché par cette décision, il a rouvert l’enquête mais en l’élargissant aux attentats à la bombe, ce qui a considérablement alourdi le travail du juge. D’autant qu’il était empêché de solliciter des témoignages sur les explosions, la partie criminelle de l’enquête étant du ressort d’une cour d’exception antiterroriste. Le juge estimait avec raison qu’il aurait fallu nommer deux commissions d’enquête distinctes, l’une pour les émeutes, l’autre pour les attentats à la bombe. Il trouvait de toute façon très imparfait le système des commissions d’enquête et,

Weitere Kostenlose Bücher