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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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avec une évidente fierté que chaque année, pour l’anniversaire du Saheb, ils allaient ensemble chez lui assister à l’hommage que lui rendaient les personnalités les plus riches et les plus éminentes de la ville. « Tous ces gens haut placés, des ministres, des grands patrons, ils s’inclinent devant lui et lui touchent les pieds. Tous les Tata-Birlas {51} viennent lui toucher les pieds et lui dire quelque chose.
    — Michael Jackson ne se déplace que pour rencontrer les chefs d’État, mais il est venu voir le Saheb », renchérit son ami. Le P.D. -G. de la multinationale Enron dut passer par Bal Thackeray pour renégocier un contrat d’électricité. Quand Sanjay Dutt, le fils du parlementaire Sunil Dutt (un élu assez ferme sur ses principes pour avoir démissionné tant il était écœuré par les émeutes) est sorti de prison, son premier geste, avant de rentrer chez lui, fut de s’arrêter chez le Saheb pour lui toucher les pieds. Chaque fois qu’un des dieux du monde des affaires, un des manitous de Bollywood, un politicien de Delhi se prosterne ainsi devant lui, ses hommes frémissent d’orgueil et y voient une preuve supplémentaire du powertoni tout-puissant que détient le Saheb.
    Ils m’ont soufflé ce que je devais dire en présence de leur idole. « Dis-lui : “Saheb, aujourd’hui encore ceux de Jogeshwari sont prêts à mourir pour vous.” Demande-lui ensuite ce que le Shiv Sena va faire pour tous ces gens qui se sont battus pour lui et pour l’Hindutva pendant les émeutes et qui lui ont sacrifié leurs vies. Demande-lui comment ils vont se débrouiller, les vieux parents des frères Pedneka, maintenant qu’ils ont perdu tous leurs enfants. »
    Je me sentais dans le rôle de l’entremetteur à qui l’amoureux confie un message à remettre à l’aimée : « Dis-lui que je donnerais ma vie pour elle. » En même temps, ces questions qu’ils me chargeaient de lui poser contenaient un reproche implicite, comme s’ils trouvaient que leur Saheb oubliait un peu vite ceux qui avaient couru à la mort par amour pour lui, comme si le sacrifice ultime consenti par leurs camarades n’était pas reconnu à sa juste valeur.
     
    En mars 1995, le Shiv Sena, parti majoritaire au sein de la coalition formée avec le BJP, accéda au pouvoir dans l’État du Maharashtra (il tenait déjà la mairie de Bombay depuis une dizaine d’années). La nouvelle direction régionale fit le tour des problèmes urbains monstrueux qui affligent la ville, de la corruption qui sévit à tous les niveaux de l’administration et dans le gouvernement, de l’état catastrophique des rapports entre hindous et musulmans, et passa tout de suite à l’action. Elle décida de changer le nom de la capitale de l’État, rebaptisée Mumbai.
    Sitôt arrivé aux responsabilités, le Shiv Sena s’en prit aux artistes, en particulier musulmans. Il intenta un procès à Maqbool Fida Husain, le plus grand peintre indien contemporain, pour avoir peint vingt ans plus tôt un nu figurant la déesse Saraswati. Tandis que ses dirigeants sollicitaient la justice, Saamna, la tribune du parti, s’employait à mobiliser l’opinion. Les lecteurs de la revue apprirent qu’en peignant une déesse hindoue dans le plus simple appareil, Husain avait « révélé au grand jour son fanatisme musulman », alors que « s’il avait eu quelque chose dans le ventre il aurait peint le Prophète de l’islam en train de copuler avec une truie ». Sanjay Nirupam, rédacteur en chef de Saamna et membre du Parlement, attisait la haine en des termes très crus : « Hindous, n’oublions jamais le crime de Husain ! Le pardon ne saurait exister pour les scélérats de son espèce. Quand il reviendra à Mumbai, il faudra le traîner à Hutatma Chowk {52} et le flageller en public jusqu’à ce qu’il devienne un objet d’art moderne de chair et de sang. Ces doigts qui ont peint notre Mère dans sa nudité, il faudra les trancher. » Il est tout de même étrange que les idées de châtiment exposées dans ces pages semblent directement inspirées par la charia – la loi islamique.
    Le Shiv Sena a une vision résolument kitsch des productions culturelles acceptables en Inde. Il encense Michael Jackson, par exemple. En novembre 1996, Thackeray annonça que le premier spectacle du chanteur dans le pays aurait lieu avec sa bénédiction. Attitude qui n’est peut-être pas sans rapport avec la promesse de la star de remettre la

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