Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
Vom Netzwerk:
belle-mère qui s’est fâchée contre sa bru parce qu’elle avait préparé à manger pour six alors qu’ils ne sont que cinq à vivre dans la maison. Dans un appart, les discussions sont plus relevées. »
    Et pourquoi ne vendent-ils pas leurs logements pour retourner au village où ils pourraient vivre confortablement ? « Dans le village, répond Sunil, les gens sont bouclés chez eux à neuf heures. – Huit heures, rectifie Amol. Sept, même. »
    Un peu plus tard, Amol qui s’est éclipsé pour aller aux toilettes en revient perplexe.
    « Il n’y a pas d’eau pour mettre dedans ? » me demande-t-il. Déconcerté, je lui dis d’appuyer sur la chasse, mais Sunil qui a tout de suite compris l’accompagne au petit coin et lui montre de quoi je parle : il actionne le levier, libérant une trombe d’eau du réservoir placé au-dessus de la cuvette. Ici, pas besoin de vider un seau.
    Les affaires de Sunil marchent bien, et maintenant qu’il a fait son trou à Bombay il aspire à la stabilité. La perspective de nouvelles violences n’a rien pour le séduire. « Le type de base veut manger son content et se reposer à la fin de la journée. S’il participe à une émeute, c’est qu’il est payé pour. » Pendant le conflit de Kargil {73} le gouvernement indien a fermé les réseaux câblés du pays aux chaînes de télévision pakistanaises. Sunil a beau être patriote, il n ’ a pas apprécié cette décision. Pourquoi l ’ empêcher de diffuser des émissions pakistanaises si sa clientèle est pour  ? «   Quand les gens payent pour avoir un truc, il faut le leur donner.   » Là encore, son sens des affaires l ’ emporte sur son hostilité à l ’ égard des musulmans et sur ses convictions politiques. La couleur de l ’ argent d ’ Untel ou Untel prend le pas sur la bannière religieuse derrière laquelle le même homme défile dans les processions. Bombay détourne Sunil de sa haine en le soumettant à l ’ attrait autrement plus puissant de la cupidité.
    Amol est resté plus près de ses racines bombayites. «   À tout moment des troubles peuvent éclater, dit-il. Il y aura peut-être des émeutes, ce soir.   »
    L ’ alcool nous a creusé l ’ appétit. Quittant le bureau, nous prenons un rickshaw pour aller au restaurant. Là, Amol lève soudain les yeux de son assiette pour me demander à brûle-pourpoint  : «   L ’ eau, tu en as vingt-quatre heures sur vingt-quatre  ?  » Sans doute pense-t-il toujours à la chasse.
    J ’ acquiesce, mais visiblement cela le dépasse. «   Il doit y avoir un réservoir sur le toit de l ’ immeuble  » , suggère Sunil.
    Au bout d ’ un moment, Amol reprend la parole  : «   Tu vas dormir seul, cette nuit  ?  »
    Je crois d ’ abord que c ’ est une façon détournée de savoir si je vais faire monter une fille chez moi, après leur départ. Pas du tout, car après m ’ avoir entendu répondre qu ’ en effet oui, je vais dormir seul, il déclare  : «   Moi je n ’ ai jamais dormi seul de ma vie. Il me faut d ’ autres gens avec moi dans la pièce.   » Le grand méchant tapori ne comprend pas que je puisse dormir sans ma maman, sans ma femme, sans bébés brailleurs. Lui ne pourrait pas  ; le maître de la lafda a peur du noir.
    À un an d ’ intervalle, en 1999, l ’ Inde organise de nouvelles élections législatives, et le jour J, Jogeshwari connaît à nouveau la même effervescence. Le petit crachin n ’ a pas empêché de longues files d ’ attente de se former à tous les coins de rue  ; devant les stands du Sena, les militants plient activement les bulletins de leurs électeurs. Bhikhu a chargé Sunil et Amol d’aller convaincre les récalcitrants de voter et je les accompagne à travers les ruelles du slum. Sunil connaît tout le monde par son nom. Les deux compères saluent les Gujeratis dans leur langue (« Kem cho ! »), leurs compatriotes en marathi et les autres en hindi. Ils les engagent tous à donner leurs voix à un parti bien précis, en se fiant, non pas au nom du candidat, mais à un emblème (« Vote pour l’arc ! ») – une nécessité dans un pays où l’analphabétisme touche une personne sur trois. Un étrange silence règne dans les logements du slum. Au bout d’un moment je me rends compte qu’il n’y a quasiment pas de télés allumées, hormis une ou deux branchées sur Doordarshan, la chaîne publique du gouvernement central. Aujourd’hui, jour de scrutin,

Weitere Kostenlose Bücher