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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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l’épaule. « Je ne peux pas lâcher mon coup comme ça, mais j’ai déjà baisé une Aghori. Waheguru ! »
    Entre deux fous rires, Sunil et Girish me content avec admiration les exploits d’un des jeunes du slum, Santosh, « un vrai madharchod » – un salaud fini. Tout le monde sait que Santosh considère comme sa sœur la femme de son voisin Raj ; chaque année, elle lui noue autour du poignet un fil sacré, le rakhi {69} . Reçu en frère dans la maison de Raj, Santosh s’est d’abord fait la fille du couple – « sa nièce, donc », signale Sunil. Un beau jour, il a découvert qu’un docteur de la ruelle couchait avec la mère et il a exigé d’elle les mêmes faveurs, sous peine de dénoncer ses rapports avec le médecin. Depuis, Santosh commence sa journée en déboulant chez son ami Raj à onze heures du matin pour se taper la femme qui est une sœur pour lui. Ensuite, de deux à trois il va prier avec sa mère au temple. Après le temple il fait un tour au gymnase, traîne un moment avec ses potes, puis retourne chez Raj où il attend que la fille rentre de l’école, à cinq heures et demie. Dès qu’elle a fermé la fenêtre pour se changer, il entre, « tire son coup » et repart à six heures moins le quart.
    Il y a aussi la petite voisine d’à côté, que Santosh a commencé à « se faire » deux jours après qu’elle a eu ses premières règles et qu’il viole régulièrement depuis cinq ans en la menaçant de la tuer si elle tente de résister. Le père de la petite est un ivrogne, et sitôt qu’il sort de chez lui ou se met à ronfler, abruti par l’alcool, Santosh enjambe la fenêtre et fait son affaire. Féroce et furtive, la sexualité n’a rien d’une partie de plaisir, dans le slum. Un soir, une bande de gamins massés derrière une porte espionnait un couple endormi  : la main de l ’ homme reposait sur un des seins de la femme, et pendant ce temps, Santosh qui avait glissé le bras par l ’ ouverture de la boîte aux lettres pétrissait l ’ autre sein. Elle, dans son sommeil, devait penser que son mari la caressait, puis l ’ attouchement énergique de Santosh finit par la réveiller. Elle poussa un cri, mais n ’ osa pas révéler à son mari ce qui lui était arrivé. En règle générale, les femmes du slum endurent en silence ce qu ’ elles doivent subir, car, ainsi que le remarque justement Sunil  : «   Comment pourraient-elles avouer ce qu ’ on leur a fait  ?  » Les mauvais garçons s ’ en prennent aux plus vulnérables  : les très jeunes, les filles ou les épouses d ’ ivrognes, celles qui n ’ ont pas toute leur tête. Quand leurs hommes, pères ou maris, découvrent la vérité, la plupart du temps eux non plus ne pipent pas mot. Ont-ils vraiment intérêt à mettre tout le monde au courant  ? Que penserait-on de leur virilité si le bruit se répandait qu ’ ils sont incapables de protéger leurs femmes  ?
    Au moins, Santosh doit être beau gosse pour se faire autant de femmes  ? Pas du tout  ! s ’ exclament Sunil et Garish. Il boite, il a quitté le collège en cinquième, il est veilleur de nuit, mais il sait s ’ y prendre avec les mots. Sa technique consiste à se rendre jour après jour dans la maison où il a repéré sa victime et à parler pendant des heures  : il bavarde avec le mari, avec la femme, avec la fille, il se fait bien voir de toute la famille et finit par obtenir ce qu ’ il veut. «   Quand il commence à s ’ incruster chez moi, je ne suis pas trop tranquille  » , reconnaît Sunil.
    Tout devrait bien se passer, finalement, pour lui comme pour son parti. «   Le Sena a un bel avenir devant lui. C ’ est ça, Bombay  » , observe Sunil avant de se corriger aussitôt  : «   Mumbai, je veux dire.   » Les fusées du feu d ’ artifice d ’ un mariage inondent le ciel d ’ une soudaine explosion de couleurs à laquelle succèdent les longues zébrures blanches des éclairs. Sa ville se révèle tout à coup à Sunil sous un jour nouveau  : pour la première fois de sa vie peut-être, il contemple de très haut le fouillis étincelant noyé sous l’averse. La voix pâteuse, il s’émerveille : « Il n’y a rien de pareil au monde. »
     
    Grâce à mon oncle, j’ai trouvé à Bandra un meublé que je loue en guise de bureau, car il m’est de plus en plus difficile de travailler à la maison avec deux bambins remuants. Le jour où je prends possession des lieux, une image

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