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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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Sunil a suspendu son offre de bouquet câblé.
    « Sunil, remets-nous la télé, le supplie un vieillard.
    — Vote, d’abord », rétorque Sunil.
    Quand nous revenons au chowk, un cadre du Sena se met à parler avec Amol de la manière dont va s’organiser le ralliement des électeurs dans l’après-midi, après le déjeuner. À ce moment-là, l’agent du Sena présent dans le bureau de vote disposera d’une liste sur laquelle figureront en clair les noms des votants et des abstentionnistes.
    « À quatre ou cinq, on n’y arrivera pas. Il faut être toute une bande, dit Amol en utilisant le mot anglais pour bande, mob.
    —  C’est bon, je vous enverrai la mienne », lui promet ce responsable politique.
    Ladite bande visitera toutes les adresses dont la liste indique qu’une ou plusieurs des personnes qui y habitent n’ont pas encore voté, et leur présentera de bonnes raisons de le faire. « Le but, c’est de créer une atmosphère », explique Amol.
    Parmi les candidats, Sunil est en bons termes avec un des poulains du parti du Congrès, Mama, qui se présente dans une circonscription voisine. Âgé d’une trentaine d’années au plus, il vit de ses investissements dans le câble et du poste envié qu’il occupe dans le réseau mafieux de Chotta Rajan {74} . Mama est né à Bombay où son père est arrivé voici soixante ans, pour fuir le système de castes inflexible de sa région du Nord. Il est issu d’une caste « arriérée », mais Bombay a libéré sa famille. « Au village, ceux des basses castes se prosternaient devant les castes supérieures, ils leur servaient de domestiques. Ici, ce sont eux qui commandent. » Ils ont fait leur chemin en ville, via la politique.
    Mama a des arguments pour convaincre les donateurs potentiels qu’il est avantageux pour eux de le soutenir financièrement. « Tu me files cinq lakhs, expose-t-il à un entrepreneur de travaux, et une fois que je serai élu, dans les cinq jours je te les rends. Je commanderai un W. -C. complet. » Le contrat sera bien sûr signé avec le généreux bienfaiteur. Sunil s’étrangle de rire lorsqu’il me cite la principale promesse électorale de Mama : « Votez pour moi et vous serez débarrassés des goondas {75}  ! » Chef des truands, Mama est en effet en mesure d’exercer une sorte de racket protecteur dans la circonscription. Et comme la police a lamentablement échoué à freiner les extorsions, autant apporter sa voix à la fripouille qui vous détrousse dans l’espoir qu’elle vous prenne sous son aile. En 1995, une tactique de survie identique a conduit cinq pour cent des électeurs musulmans de Bombay à voter pour leur ennemi juré, le Sena.
    Entre-temps, un ami de Malabar Hill qui travaille dans la mode m’appelle sur mon portable. Il vote aujourd’hui pour la toute première fois et d’entrée de jeu l’organisation du scrutin le déroute. « Je suis dans ton ancien quartier, annonce-t-il alors qu’il vient d’entrer dans l’école Walshingham où se trouve le bureau de vote. Il y a deux boîtes devant moi. Sur l’une il y a écrit Lok Sabha {76} , sur l’autre Vidhan Sabha {77} . Quelle est celle du pouvoir central et quelle est celle de l’État ? » me demande-t-il en faisant allusion, dans le premier cas, aux élections nationales.
    À Jogeshwari, personne n’irait se poser la question. J’ai envie de savoir ce que représente Bombay pour Mama : la ville des riches de Malabar Hill, ou celle des basses castes dont l’influence va croissant ?
    Il part d’un éclat de rire. « Bombay est la ville des mangeurs de vadapav. Elle n’appartient à personne d’autre. »
    En trois ans, l’Inde a connu autant de scrutins nationaux. On attend continuellement d’elle qu’elle réaffirme sa loyauté envers le processus démocratique, et démontre, encore et encore, qu’elle est bien, en effet, une démocratie. La patience du peuple me sidère. Confronté d’une année sur l’autre à des choix qui n’en sont pas, il se rend consciencieusement aux urnes. La participation a été de cinquante-sept pour cent en 1991, et de cinquante-huit pour cent en 1996 ; en 1998, soixante-deux pour cent des six cents millions de personnes inscrites sur les listes électorales ont exercé leur droit de vote. Le scrutin de 1999 se justifie d’autant moins qu’après des mois de campagne et des dépenses astronomiques, le « nouveau » gouvernement de New Delhi ressemble étonnamment au

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