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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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contre les musulmans.
    Thackeray admoneste les musulmans en termes sentis : « Ne vous rendez pas suspects à nos yeux. Vous pouvez vivre libres, affranchis, mais arrêtez de tout le temps répéter que l’islam est en danger. Ici, ce n’est pas un pays islamique, alors on ne va pas s’inquiéter pour l’islam. » Il se dressera contre les musulmans dont il constate « qu’ils ont leur corps ici alors que leur cœur bat pour le Pakistan. Je serai le premier à leur dire de décamper ». D’autant que le statut dont ils jouissent en Inde lui paraît douteux : « C’est quoi, d’abord, cette communauté musulmane ? Après la Partition, ils n’avaient qu’à rentrer chez eux ! »
    Je lui demande s’il y a encore un risque d’émeutes, à Bombay. S’il sent un bouillonnement monter de la base à cause des tensions sociales.
    « Je ne suis pas astrologue, je ne sais pas lire dans les lignes de la main et je ne fais pas de pronostics, mais je peux vous annoncer une chose – appelez ça comme vous voulez, une prophétie, une intuition : si le gouvernement Vajpayee tombe, ça sera le chaos et on ira droit à la guerre civile. Une guerre civile, notez bien, insiste-t-il avec un calme étonnant, sans élever le ton ni proférer de menaces, sûr de ce qu’il avance. Alors, vous comprendrez mes prêches et mes discours. Je touche du bois, je préférerais que ça n’arrive pas, mais ça va se vérifier, vous verrez. Les musulmans vont y aller. Et ça ne se limitera pas à Bombay. Le pays entier sera touché. Il va y avoir une guerre civile dans tout le pays. »
    Quelle sera alors la ligne de conduite du Sena ?
    « Nous nous battrons par tous les moyens. Par tous les moyens il faudra nous battre. La vengeance est notre droit d’aînesse. La vengeance est notre droit d’aînesse. »
    Je lui rappelle sa mise en garde : à présent les musulmans sont armés.
    « On verra, on verra. Chaque chose en son temps. »
     
    Quelque temps plus tard, le rédacteur en chef marathe qui a facilité cet entretien me raconte qu’à l’occasion d’une conférence de presse le Saheb s’est targué de savoir prédire l’avenir. « Il a des hallucinations, m’explique-t-il. Il voit des carnages. Des bains de sang », et mon interlocuteur se passe la main devant les yeux comme pour chasser des images sanglantes.
    Thackeray n’a jamais ouvert un livre, me confie-t-il. Je n’en ai effectivement remarqué aucun dans les pièces où j’ai été admis. Le cinéma et la bande dessinée sont ses deux grandes références culturelles. Il a de mauvais rapports avec les écrivains – avec Pu La Deshpande, par exemple, qu’il compare à un pont écroulé en faisant un mauvais jeu de mots sur son nom ; ou avec le Congrès panindien des écrivains marathes, qu’il a privé de sa maigre subvention et traite de « foire aux bestiaux ». En revanche il aime, et c’est réciproque, les milieux du cinéma, car il s’y sent dans son élément. Il est à l’aise avec les images et l’action, mais les idées ne sont pas son fort. Les propos que j’ai enregistrés sont truffés d’allusions au monde de Bollywood ou à des comptines enfantines, et ils ne découlent pas toujours logiquement des questions que je lui ai posées. Ce sont moins des réponses que des pensées éparses formées dans les profondeurs de son cerveau, qui sans raisons apparentes montent comme des bulles à la surface.
    Je suis frappé par la justesse d’une remarque du journaliste à propos de la disparité d’échelle entre cet homme à l’esprit étroit et la ville gigantesque qu’il contrôle. « Il lui manque ce que George Bush appelle “la vision” », a ajouté mon confrère. Au vu des énormes problèmes de Bombay, les solutions du Saheb sont aussi précises que dérisoires : alimenter les prises d’eau pour chasser les rats, interdire la Saint-Valentin pour conserver sa pureté à notre belle jeunesse. Au lieu de chercher les causes globales des maux qui rongent la cité, il s’en tient à des récriminations générales contre les musulmans et l’immigration excessive. Comprendre le processus historique, examiner les grands rouages d’une extrême délicatesse qui alimentent le fabuleux moteur économique, cela ne l’intéresse pas. Tout ce qu’il voit, c’est que ses partisans ne s’enrichissent pas ; pour y remédier, brandissant la menace de la violence de rue il exige qu’on leur réserve tout simplement une

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