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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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pour qui il a à plusieurs reprises collecté des vasulis {84} , et il s’occupe toujours de rassembler ces fonds extorqués au profit de Raj Thackeray – le très peu recommandable neveu de Bal.
    Le Saheb décroche son téléphone. Il a mémorisé chaque détail de l’histoire alambiquée d’Anand et la répète en substance à son assistant. « Je veux que ce Raut passe me voir à midi, demain. Il va monter en grade, c’est le roi de l’extorsion. » Je découvre soudain le chef tout-puissant, qui répare les injustices d’un bon mot sonnant comme un ordre. Le problème sera bientôt réglé. Il va y veiller.
    Il est particulièrement fier d’être sollicité par des vedettes de cinéma, des réalisateurs, des producteurs. « Ils viennent tous me voir. On s’entend bien. Ils m’admirent. Ils me respectent. Moi, je les aide. Je résous leurs problèmes. C’est vrai. » Je tiens du journaliste qui m’a introduit ici que Thackeray se fiche éperdument des hommes politiques de Delhi. Si Vajpayee se présentait chez lui, il ne se mettrait pas en quatre. En revanche, il prendrait le temps de recevoir Amitabh Bacchan et en tirerait gloire. Un tel sens des priorités est typiquement bombayite : ici le cinéma prime sur la politique. Quand Sanjay Dutt, autre star de Bollywood, fut condamné à dix-huit mois de détention parce qu’il était mêlé aux attentats à la bombe, seul le Saheb a eu le bras assez long pour le sortir de prison. Son grand rival, Sunil Dutt, est venu le trouver à l’époque où son fils purgeait sa peine. « Il a fait un aarti {85} autour de ma femme. » Pendant que Dutt tournait autour de l’épouse de Thackeray avec une lampe à huile, huit à neuf producteurs se morfondaient dans l’antichambre. Leurs projets de tournage avec Sanjay étaient gravement compromis et cette histoire risquait de leur faire perdre des dizaines de millions. Grâce à l’intervention du Saheb, l’acteur fut libéré sous caution.
    Était-il coupable, à son avis ?
    « On a retrouvé le ressort d’un AK-420 déglingué, et vous trouvez que ça suffit pour le traîner en justice ? » Il pense en fait que Sharad Pawar, alors chef de l’exécutif du Maharashtra, s’est acharné contre Sanjay parce que, comme le père de ce dernier, il briguait la présidence du Congrès. Cela étant, si pour finir le tribunal devait conclure à sa culpabilité, « qu’on le pende ». Une formule récurrente, dans la bouche du Saheb, une solution qui vaut aussi bien pour les musulmans du Bangladesh que pour Sanjay Dutt. Ce chef-là n’a pas de temps à perdre en chicanes théoriques et procédurières, il est pour l’action directe. Qu’on les pende ! Le genre de chef que peuvent comprendre et aduler des jeunes qui n’ont pas été longtemps à l’école et qui ont la rage.
    Durant toute sa longue carrière, c’est dans les tranches d’âge de seize à trente ans que Thackeray a trouvé ses plus fervents supporters. « Le sang jeune, les hommes jeunes et les jeunots sans travail, c’est comme de la poudre à canon bien sèche. Ça peut exploser n’importe quand. » Au-delà de la trentaine, ils commencent à avoir envie de se ranger, ils dégainent moins vite. Assez curieusement, pour quelqu’un censé recevoir le soutien de la jeunesse, le Saheb ne semble pas la tenir en estime : « Cette génération ! Ils n’ont aucune culture, ils n’ont pas de sanskar. Il n’y a pas de mot pour dire sanskar, en anglais, pas d’équivalent. » Le terme « valeurs » serait le plus proche. Le Saheb a des goûts culturels assez particuliers ; il approuve le cinéma hindi et Michael Jackson, mais se met dans tous ses états parce que la ville fête la Saint-Valentin. « La Saint-Valentin ! L’an prochain, je la supprime. Non, mais ! Quel culot ! Je vais en faire des confettis, de leurs cartes. C’est quoi la Saint-Valentin ? Ridicule, oui ! Ces petits étudiants qui vivent avec l’argent de poche de papa… On ne sait même pas si c’est de l’argent propre ou sale. Ils profitent de la vie avec les filles, et les filles sont pareilles, elles aussi. Ah, elle est belle la génération Coca, la génération Pepsi. Franchement. Et ces jeans qu’ils mettent… » ajoute-t-il en agitant la main avec dégoût au-dessus de ses jambes.
    De fait, ainsi qu’il l’a promis, le 14 février suivant le Saheb met la Saint-Valentin à l’index. Relayant l’appel au boycott, les saïniks pillent les

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