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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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ces différents quartiers, qui selon les circonstances sont leurs complices ou leurs geôliers. À un moment donné, un détachement de deux cents policiers tente d’empêcher les gars de Sunil d’imposer la grève. Inefficaces pour ne pas dire complaisants, ils prennent des noms et menacent de procéder à des interpellations. Puis l’équipe commandée par Sunil s’empare d’un bus que ses passagers désertent aussitôt, sur l’intervention du chauffeur, et qui est détruit dans le quart d’heure qui suit. Les gars entrent dans des boutiques, demandent à leurs propriétaires à combien s’élèveraient les dommages si un caillou venait à briser leurs belles vitrines ; les rideaux de fer s’abaissent les uns après les autres. Les sept à huit cents saïniks déployés dans Jogeshwari arrêtent les trains, obligent taxis et rickshaws à rentrer chez eux à vide. Ils investissent le dépôt de bus, dont le gérant s’offre lui-même à retirer tous ses véhicules de la circulation pour qu’ils ne soient pas endommagés. La ville est paralysée, en effet.
    Pour finir, la situation ne débouche pas sur la guerre civile mais sur une farce : le Saheb annonce qu’il se présentera de son plein gré devant le tribunal. Il ira – escorté d’une armée de cinq cents policiers qui donne peut-être à Bhujpal l’illusion que son vœu s’est réalisé –, et le juge prononcera un non-lieu au motif que le délit est prescrit car il aurait dû être jugé dans un délai de trois ans. Thackeray ressortira du palais de justice moins de trois quarts d’heure après y être entré, et Bombay se remettra à respirer.
    À Cuffe Parade, le spectacle est tout différent. La nouvelle Miss Univers rentre fêter son triomphe au pays. À en croire la chroniqueuse socialiste Shobha De, « Bombay ne se préoccupe que de savoir qui sera là pour accueillir Lara Datta, de retour dans sa ville natale ».
     
    La pulsion génocidaire naît d’une envie de propreté, d’une aspiration à une homogénéité décrassée, car il est bien connu que le chaos et le désordre sont issus du brassage malsain de l’hétérogénéité. Iqbal et Jinnah ont rompu avec l’Inde parce qu’ils voulaient créer la Terre des Purs {90} Pour employer un mot hélas trop galvaudé, la philosophie de l’Inde n’encourage pas à l’homogénéité. Il suffit cependant de regarder Bombay d’un œil impartial pour convenir que trop de gens s’y entassent. En bonne logique, certains doivent partir. Lesquels ? Ah, ça… Les plus pauvres, par exemple. Ou les derniers arrivés. Ceux qui sont le plus loin de vous, selon la façon dont vous vous définissez. En dernier ressort, tout immigré espère un jour occuper une place qui lui donnera le droit d’interdire l’accès aux nouveaux immigrés, de dire à celui monté après lui de descendre du train, de retourner d’où il vient. Ce jour-là, il sait qu’il fait vraiment partie « des gens du cru ».
    Les émeutes de 1992-1993 furent doublement catastrophiques pour Bombay : elles ont encore dégradé les conditions de vie de ses résidents sans diminuer en rien l’attrait qu’exerce la ville sur les villageois de l’intérieur, prêts à tout abandonner pour venir s’y installer. Les troubles qui couvent auront le même effet. On y vivra encore plus mal, mais ce n’est pas pour autant que la population diminuera. Cela ne ralentira même pas l’afflux des nouveaux arrivants.
    Le XXI e siècle a mal commencé pour le Sena. À peine s’il a encore les forces de riposter aux gangs musulmans qui s’en prennent à ses pramukhs, en éliminent certains, en menacent d’autres. À Jogeshwari, Bhikhu Kamath reçoit une lettre écrite « en musulman », me précise Sunil, l’informant qu’il est le prochain sur la liste parce qu’il a tué des musulmans lors des émeutes. Chotta Shakeel, l’homme à la tête de ces gangs, effectue le travail dont le gouvernement n’a pas voulu se charger. Il prend sa revanche, et en plus il ne se trompe pas de cible, il s’attaque aux vrais coupables ; tel l’ancien maire Milind Vaidya, cité dans le rapport de la commission Srikrishna. Shakeel connaît ce document. Il est le bras de la justice que Srikrishna appelait de ses vœux.
    Les dirigeants du Sena adoptent le pire comportement possible pour des gens qui veulent gagner le respect des taporis : ils supplient la police de les protéger. Les chefs de shakha et leurs adjoints ne sortent

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