Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
Vom Netzwerk:
l’attribue-t-il ?
    « Mettons que vous tenez une fleur qui a un parfum typique. Mais comment dire où il est, ce parfum, d’où il vient ? Un parfum, ça ne se voit pas. Le charisme, ça ne s’explique pas. Je ne sais pas si j’en ai ou pas. Ni si qui que ce soit en a. Et puis charisme, ça fait penser à Karishma ? Alors si on tient Karishma Kapoor {82} c’est qu’on a du charisme ! » Ravi de son jeu de mots, le Tigre laisse échapper un gloussement.
    Est-ce qu’il pense avoir suffisamment marqué son époque pour laisser son empreinte dans l’histoire ?
    Cela lui est bien égal, répond-il. « Je joue avec mes petits-enfants, c’est tout. » Il n’écrira pas son autobiographie, il ne contestera jamais les résultats sortis des urnes. Son refus d’entrer directement en politique est essentiel pour l’image qu’ont de lui les militants du Sena. Le Tigre est au-dessus de la politique, mais il manipule les politiciens à sa guise. D’ailleurs, il s’est publiquement vanté de contrôler à distance les chefs de l’exécutif élus sous la bannière du Sena. « Je déteste la politique, martèle-t-il. Je ne suis pas un homme politique. Je suis un caricaturiste politique. »
    Il évoque ses souvenirs de dessinateur et le Mumbai du bon vieux temps. « Quand je travaillais au Free Press Journal… la population était nombreuse, bien sûr, mais la vie était belle, elle avait encore du panache. Et puis tout doucement, tout doucement, tout doucement, avec ces masses de gens qui se déversaient ici c’est devenu de plus en plus dur. Je me souviens qu’à l’époque – en quarante-deux, en quarante-quatre – les employés de la mairie venaient chaque fois qu’on leur signalait qu’il y avait des rats, des rats énormes. Ils arrivaient avec des gros tuyaux – évidemment, il y avait des prises d’eau, dans les rues. Ils branchaient leurs tuyaux dessus et on les enfonçait dans le trou, le trou à rats, pendant que d’autres montaient la garde, armés de solides gourdins, des lathis. Naturellement l’eau suit les trajets des bestioles, dans les galeries, elle les déloge. Tôt ou tard, elle les oblige à sortir par un autre trou. Si l’eau arrive de ce côté, mettons, eux vont se réfugier à l’autre bout. Dès qu’ils se pointaient on leur tapait dessus. On en massacrait au moins six, des fois dix ou douze. Maintenant, il y a une telle pénurie d’eau qu’on ne pourrait plus se le permettre. N’empêche qu’à l’époque, dans la cour de la maison où on habitait, à Dadar, on se branchait directement à la prise d’eau et tout de suite on avait une pression terrible. Là, je vous parle de quarante-quatre, quarante-cinq, quarante-six. Des prises comme ça, on n’en voit plus maintenant à cause des abus. Les mal-logés s’en servent n’importe comment. Ils les laissent ouvertes, et si on les referme pas l’eau continue à couler, et pas qu’un peu. »
    Son récit m’ouvre des horizons inquiétants. « Il y a vraiment un problème de rats ?
    — Les rats sont inévitables, confirme le Saheb en adoptant une perspective plus charitable. Ils se chargent des déchets dont la BMC {83} . ne s’occupe pas. Oui, oui. Ils trouvent de quoi manger là-dedans. » Arrivé au bout de son soliloque, Thackeray s’interrompt abruptement en me laissant libre d’interpréter ses propos.
    On annonce l’arrivée d’un visiteur, le réalisateur de cinéma Vijay Anand. Se penchant vers moi, le Tigre murmure : « Ses fils sont derrière les barreaux, sans rire. » Sans rire, il fait erreur, car ce ne sont pas les fils mais des neveux d’Anand qui se sont fait coffrer. Peu importe, le Saheb se frotte les mains : « Si cet homme entre ici, il ne jurera plus que par moi. »
    Les neveux du réalisateur sont accusés d’avoir assassiné la maîtresse de longue date de leur père. Au lieu d’aborder le problème de front, toutefois, Anand parle de tout autre chose. Il possède une salle de cinéma. Hier matin, son assistant est allé enregistrer de la musique dans le studio d’un autre producteur, Vinayak Raut, et l’équipement dont il se servait est tombé en panne. Raut a kidnappé ce type, qu’il retient depuis plus de vingt-quatre heures, et il vient d’envoyer une lettre (Anand la tend à Bal Thackeray) dans laquelle il exige trente-cinq mille roupies de dommages et intérêts. Il a qui plus est déclaré à Anand avoir travaillé au service de sécurité du Saheb,

Weitere Kostenlose Bücher