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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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deux cent soixante-sept cas ont été enregistrés ; arguant du manque de preuves, la police en a classé soixante pour cent sous la rubrique « vrai mais non constaté » et a dressé huit cent quatre-vingt-quatorze procès-verbaux. En mars 1998, la justice devait se prononcer sur huit cent cinquante-trois affaires ; les quarante-deux effectivement jugées se sont traduites par trente acquittements, trois non-lieux et huit condamnations en tout et pour tout (pour mille quatre cents meurtres !). Les cerveaux des attentats à la bombe ont été arrêtés ou se sont enfuis à l’étranger parce que les enquêtes les concernant avaient été confiées à la fine fleur des inspecteurs de police ; les cerveaux à l’instigation des émeutes – responsables d’un nombre de morts bien plus important – sont entrés dans le gouvernement du Maharashtra et/ou au Parlement. D’où le constat que dresse Amnesty : « Les dix ans d’impunité accordés aux responsables des émeutes de Mumbai ont envoyé un message des plus troublants à la nation et ébranlé la confiance de l’opinion dans l’appareil judiciaire. »
    Le gouvernement à majorité Sena a enterré treize des quatorze affaires qui incriminaient Bal Thackeray pour son rôle dans les émeutes de 1992. Le gouvernement dirigé par le parti du Congrès a ressorti la quatorzième, qui le met en cause pour avoir attisé les passions communautaristes dans ses éditoriaux du Saamna . C’est franchement le moindre de ses péchés, et dans un pays comme les États-Unis les défenseurs des droits civiques seraient tous montés au créneau pour le défendre. Thackeray n’a jamais été inquiété. Chaggan Bhujbal, le chef de l’exécutif, un transfuge du Sena entré dans les rangs du parti du Congrès, rêve de voir son ancien mentor en prison, fût-ce une heure seulement. Il déclare que pour arrêter le Saheb, il est prêt à suivre l’une au moins des recommandations de la commission Srikrishna.
    « Ça ne s’est jamais produit et ça ne risque pas d’arriver. […] Si je me retrouve derrière les barreaux, ils [ses détracteurs] ne pourront plus sortir dans la rue », s’emporte le chef du Sena à la tribune, lors de la fête de Dussehra {88} organisée comme chaque année à Shivaji Park. Et il enfonce le clou dans le Saamna  : si on osait l’inculper, « l’Inde tout entière, et pas simplement le Maharashtra, s’embraserait. C’est un appel à un soulèvement religieux, chacun doit se préparer à en affronter les conséquences ». Un des députés du Shiv Sena, Sanjay Nirupam, fait un autre calcul : « Après les émeutes de quatre-vingt-treize, aux élections on a remporté trente des trente-quatre sièges à pourvoir. Si on est bien en démocratie, le peuple s’est exprimé. Une nouvelle émeute serait aussi à notre avantage, politiquement. »
    Les dirigeants du Sena sont passés à la clandestinité en prévision de cette arrestation. Sunil a reçu l’ordre de se planquer. Il m’appelle à intervalles réguliers. Les gars de Jogeshwari ne dorment plus chez eux, ces temps-ci ; toujours sur le qui-vive, ils se déplacent constamment par groupes de quinze à vingt, dans des petites voitures ou à moto. Ils ont pour instructions de s’en prendre aux biens publics : les bus, les trains, les administrations. Leurs cibles pourraient devenir religieuses, auquel cas tous les hindous s’uniraient, selon le raisonnement que tient Sunil : « Quand on touche à la religion, ça ne compte plus d’être gujerati ou bhaiyya {89} . Contre les musulmans on est tous des hindous, et cette fois on va les expulser de Bombay. » Le Sena prépare la prochaine guerre.
    Un samedi, au beau milieu de la nuit je reçois un coup de fil de Sunil : il s’apprête à paralyser la ville. Lors de la réunion nocturne de la shakha on a appris que le Saheb serait arrêté le lendemain. Les troupes du Tigre ont envie d’en découdre ; leurs rugissements me parviennent en fond sonore, derrière la voix de Sunil, plus ardente, me semble-t-il, qu’à l’ordinaire. Comme au bon vieux temps…
    Le dimanche, Sunil m’appelle à maintes reprises sur mon portable pour me tenir informé de ses activités qui, dans un premier temps, consistent à interrompre le trafic ferroviaire. Il a dépêché ses hommes à Goregaon, et la shakha de Goregaon a expédié des saïniks à Jogeshwari. De cette façon, ils ne seront pas reconnus par les policiers affectés à

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