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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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jamais touché à cet argent qui lui paraissait haraam (impie), mais il faisait le boulot.
    « Quel genre de boulot ?
    — Aller chercher Untel. Filer quelques baffes à tel autre. Je me baladais avec un Mauser glissé dans ma ceinture. Au moment des attentats, j’avais six AK-56 chez moi. Tajul était passé la veille au soir pour me demander de planquer les fusils, les grenades et le plastic : trente-six kilos de plastic dans une boîte verte, avec un squelette blanc sur le couvercle. J’avais aussi un sac de jute bourré de grenades grosses comme ça, avec leurs goupilles. Tajul m’a filé la moitié d’un billet de dix roupies. J’ai enterré tout cet attirail dans un trou que j’avais creusé dans la terre, j’ai versé une décoction de piment par-dessus, plus une infusion de menthe pour que les chiens ne décèlent pas l’odeur du plastic si jamais on lançait des recherches. Mon père me traitait de tous les noms, il était hors de lui. “Tu sais ce qui va se passer si on trouve cette marchandise ?” Le lendemain, les types sont venus – des grands gaillards aux cheveux en brosse qui m’ont remis l’autre moitié du billet de dix roupies. J’ai vérifié le numéro et je leur ai montré où c’était. Deux heures avant les explosions, Tajul m’a donné un conseil : “Surtout, dis à ta famille de ne pas sortir de Madanpura aujourd’hui, sous aucun prétexte.” On est donc restés là. Tout à coup, il y a eu une déflagration énorme, suivie d’un nuage de fumée au-dessus de la Bourse. On est allés au JJ. Hospital. J’ai vu de mes yeux les monceaux de cadavres empilés par vingt ou vingt-cinq à la fois. »
    Ishaq comprit alors qu’en acceptant de cacher les armes il avait prêté la main au carnage. Sa mémoire à jamais impressionnée par cette vision d’horreur lui joue des tours : « Il devait y avoir au moins dix mille cadavres entassés là. »
    Ni lui ni Tajul n’ont pourtant été inquiétés, ce qui est étonnant au vu de la participation active de son chef au complot. Ishaq a toujours des cartouches d’AK-56, qu’il conserve au titre de souvenirs. Il a toutefois préféré se débarrasser des fusils d’assaut. « Je les ai rendus dans les trois jours », dit-il avec un frisson.
     
    Bombay a changé, depuis les explosions. Auparavant, les sikhs avaient un quasi-monopole sur les actions terroristes, pour la plupart en lien avec les troubles au Penjab. Les truands de Bombay ne se battaient pas entre eux pour des questions de religion. Maintenant, m’explique Ajay, le terrorisme sert à soutenir les revendications identitaires et « la police a du mal à suivre. Les dirigeants hindous qui ont excité les émeutiers en 1992 sont devenus la cible des gangs musulmans, et les gangs hindous s’en prennent aux responsables des attentats à la bombe libérés sous caution ». Certes, il y a des hindous dans le gang de Dawood et des musulmans dans la Compagnie Nana de Rajan, mais leur présence est due à « des contraintes locales », dit Ajay. Il existe entre les gangs hindous et musulmans une différence cruciale à l’origine de la nette supériorité de ces derniers. « Le groupe de Dawood n’est sans doute pas obligé d’acheter des armes, contrairement à Chotta Rajan. » Les armes des gangs musulmans sont fournies par le Pakistan. La stratégie autrefois observée par l’ISI consistait à introduire des agents dormants dans Bombay, à les maintenir sur place des années durant, avec une couverture de mécanicien ou d’ouvrier, et à les solliciter si nécessaire pour poser une bombe ou éliminer une personnalité politique. Depuis le déclenchement des émeutes, c’en est fini de la mise en sommeil des agents pakistanais infiltrés dans les entreprises de mafieux musulmans qui pleurent la perte de leurs proches et de leurs amis. Non contents de fournir des hommes à l’ISI, les chefs des gangs musulmans lui ont également ouvert leurs réseaux de contrebande et leurs planques.
    À la suite des attentats à la bombe, Ajay dut remettre à l’ambassadeur des États-Unis et à Interpol un rapport sur la participation du Pakistan à ces actes terroristes. En épluchant les dossiers des poseurs de bombe interrogés par ses services, il avait remarqué quatre passeports tamponnés au départ de Dubaï ou de Bombay pour une destination inconnue et une absence d’environ quinze jours. Les intéressés expliquèrent qu’on les avait emmenés à

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