Bombay, Maximum City
avaient été choisies avec soin : Air India, la Bourse, l’hôtel Centaur, le quartier général du Shiv Sena. En l’espace d’une journée, il y eut deux cent cinquante-sept morts et sept cent treize blessés. À l’aéroport international, des individus qui se tenaient sur la passerelle d’accès lancèrent des grenades sur les avions à l’arrêt, mais sans les atteindre. Tard dans la nuit, A.S. Samra, le chef de la police, se rendit sur les sites touchés. Tout cela se passait le 12 mars. Le surlendemain, Ajay reçut un message radio le prévenant qu’on avait trouvé un scooter abandonné devant la gare de Dadar. Il se fit accompagner par des experts en explosifs qui désamorcèrent la bombe placée dedans.
Son supérieur le chargea alors de diligenter l’enquête et de relayer les services de police qui n’arrivaient pas à remonter la piste des attentats. Le 14 au soir, Ajay contacta les vingt meilleurs inspecteurs de la ville pour une réunion d’urgence. À 23 heures 30, ils se retrouvèrent dans la pièce qu’il avait réquisitionnée et entreprirent séance tenante de réunir des renseignements. Cinq heures plus tard, à l’aube du 15 mars, Ajay arrêtait le premier suspect.
Les services de sécurité avaient inspecté une fourgonnette Maruti stationnée devant le siège de Siemens, à Worli (six ans plus tard, Ajay se souvient encore du numéro d’immatriculation : MFC 1972). Ils y avaient trouvé des détonateurs mais ne s’y étaient pas intéressés davantage car ils pensaient que le véhicule, avait été laissé sur place juste avant le contrôle de police. Ajay qui n’était pas de cet avis exigea qu’on interroge les fichiers pour savoir à qui appartenait la fourgonnette. Il obtint ainsi un nom – celui du contrebandier Mushtaq Memon, dit le Tigre, domicilié à Mahim, juste derrière le temple. La fouille de son logement ne donna pas grand-chose, mais les policiers confisquèrent pour la forme quelques objets, dont une clé de scooter de la marque Bajaj. Ajay fit tout de suite le lien avec le scooter de Dadar, qui une fois la bombe désamorcée avait été remisé au commissariat de Matunga. Il envoya aussitôt un de ses hommes là-bas, pour essayer la clé. C’était la bonne.
En fait, l’homme qui devait conduire le scooter piégé à l’endroit désigné avait entendu une explosion, pendant le trajet, et il avait aussitôt abandonné le deux-roues de peur qu’il n’explose sous ses fesses. Sa lâcheté devait fournir à Ajay une preuve matérielle solide. Sur son ordre, l’appartement de Memon fut passé au peigne fin, et cette fois les inspecteurs tombèrent sur une paire de chappals {98} recouvertes d’une sorte de poudre noire collante. Ils l’ignoraient encore, mais il s’agissait en fait d’hexogène, encore appelé cyclonite. Dans les garages de l’immeuble, ils découvrirent plusieurs pains de plastic dans des emballages tamponnés à Karachi. « Nous avions maintenant la certitude qu’il existait un lien entre le scooter, la Maruti et ce logement », explique simplement Ajay.
Memon n’était pas chez lui, mais en interrogeant les gens du quartier, Ajay apprit qu’en son absence il confiait ses affaires à un jeune homme d’Andheri surnommé Manager. Il expédia donc une équipe chez l’intéressé. « Nos types ont cueilli le père, la mère, l’oncle, la tante et ledit Manager, et ils ont ramené tout ce petit monde au poste. “J’ai lâché ce boulot, je travaille plus pour Memon”, me serinait Manager en m’injuriant tout ce qu’il savait. J’étais sûr qu’il mentait, alors je l’ai menacé : “Si tu continues à me mener en bateau ça va retomber sur ta mère et sur ton père. Je vais les inculper eux aussi.” Ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Son oncle et sa tante n’arrêtaient pas de l’appeler “fils, fils”, et il avait l’air plus sensible à leurs réactions qu’à celles de ses parents. Voyant ça, j’ai annoncé à l’oncle que je l’inculpais, un de mes hommes lui a flanqué une baffe et Manager a craqué – “Arrêtez, s’il vous plaît. Mon oncle et ma tante m’ont adopté à la naissance, ne leur faites rien.” Ensuite, il m’a craché le morceau. »
Les bombes à base d’hexogène avaient été chargées dans des coffres de voitures dans les garages de Memon. Trois navires ayant quitté Dubaï au début de l’année 1993 avaient embarqué des pains d’hexogène et des armes lors
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