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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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d’une escale à Karachi. Les grenades à main portaient le label Arges, nom d’une société autrichienne qui avait vendu son brevet de fabrication à une entreprise pakistanaise. Un des navires acheva son périple à Mhasla, les deux autres accostèrent plus au sud, dans un port du Gujerat Les douaniers chargés de surveiller cette partie de la côte avaient été payés pour regarder ailleurs. Les armes furent alors transférées dans des camions en partance pour Bombay par plusieurs petits groupes d’hommes suffisamment formés pour brancher les détonateurs et régler les minuteurs électroniques de couleur différente : les rouges se déclenchaient au bout d’un quart d’heure, les jaunes au bout d’une heure, les verts au bout de deux heures. En ville, des escouades de jeunes musulmans armés de fusils d’assaut AK-56 avaient pour mission de s’en servir en cas d’affrontements intercommunautaires.
    Memon le Tigre tira sa révérence le 12 au matin, après avoir donné l’accolade à ses hommes et prononcé ses fortes paroles :
    « Vous êtes des soldats. Tirez-vous d’ici. Ça va barder. » Les gangsters musulmans qui avaient préparé les attentats à la bombe espéraient mettre la ville à feu et à sang. C’est ce qui s’était passé un mois plus tôt, quand le déchaînement de violence contre les musulmans avait, pour la première fois dans l’histoire de Bombay, fait des milliers de morts et de blessés. Les cerveaux des attentats à la bombe entendaient venger ces victimes et déclencher une nouvelle vague de troubles. L’opération avait été préparée à Dubaï, lors d’une réunion convoquée par Dawood Ibrahim. Les participants avaient juré sur le Coran de garder le secret.
    Sur les cent soixante-huit personnes inculpées à la suite des attentats, cent soixante l’ont directement été par Ajay et ses adjoints, auteurs, notamment, de la plus célèbre de ces arrestations en chaîne, celle de l’acteur Sanjay Dutt. « J’ai personnellement interrogé chacun de ces types, précise Ajay. J’ai mis au jour les connexions de ce réseau. » Le chef de l’État indien l’a décoré de la médaille du mérite des forces de police. Il l’a reçue avant l’heure, car en principe cette récompense n’est décernée qu’aux policiers totalisant quinze ans de service. À l’époque, Ajay n’en avait que treize à son actif.
    Contrairement à ce qui s’était passé pour les émeutes (à la suite desquelles le gouvernement Sena s’était bien gardé de poursuivre les membres du parti nommément cités dans le rapport Srikrishna), cette fois l’État du Maharashtra attaqua sans répit les poseurs de bombe, majoritairement musulmans. Les procès-verbaux établis par la police concernaient au total cent quatre-vingt-neuf personnes, dont quarante-quatre avaient pris la fuite. L’équipe d’Ajay a saisi plus de deux tonnes d’hexogène (2 074 kilos), près d’une tonne de gélatine (980 kilos), soixante-trois fusils d’assaut AK-56, dix pistolets Tokarev de 9 millimètres, treize chargeurs de 9 millimètres, mille cent détonateurs électriques, deux cent trente chargeurs d’AK-56, trente-huit mille neuf cent dix-sept cartouches pour fusil d’assaut, quatre cent quatre-vingt-deux grenades à main fabriquées sous licence Arges. Trop important pour servir aux règlements de comptes entre petits truands, cet arsenal avait été amassé en vue d’une guerre civile.
    Les attentats n’ont pourtant pas produit les résultats escomptés, sans doute parce que les émeutes qui avaient eu lieu quatre mois plus tôt avaient fourni un exutoire suffisant à la haine des hindous. La ville se remit vite du choc. La Bourse, touchée par une bombe, rouvrit le surlendemain ; la destruction des circuits informatiques obligeait les courtiers à communiquer par signes, comme au bon vieux temps, mais dans les deux jours l’indice grimpa de dix pour cent. Ça leur apprendra !
     
    Ishaq, jeune entrepreneur musulman rencontré par l’entremise de l’informaticien Girish, savait que quelque chose se tramait avant même que les bombes n’explosent. Devant le cinéma Maratha Mandir où nous venons de nous retrouver, il aborde spontanément le sujet en me parlant de l’époque où il jouait les durs dans les gangs de Madanpura, ce district qu’on appelle aujourd’hui le mini-Pakistan. Tajul, le bhaï du quartier, les payait quinze mille roupies par jour, ses amis et lui. Ishaq n’a

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