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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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annonce-t-il. « Tu sais où j’habite, tu as mon adresse, rétorque Shakeel. Si tu as quelque chose dans le ventre tu n’as qu’à venir me chercher. Sinon, donne-moi ton adresse, c’est moi qui irai te descendre. » Ils ont mangé au même râtelier, tous les deux, Dawood les aimait comme des fils. Il existe une photo de Dawood prise le jour du mariage de Rajan : on y voit la jeune mariée lui nouer un rakhi autour du poignet, geste symbolique par lequel elle le reconnaît comme un frère. Depuis, Rajan a trahi, et c’est une lutte à mort entre les frères ennemis.
    Autre ancien vassal de Dawood, Arun Gawli dirige un troisième gang de moindre importance. Entre deux séjours derrière les barreaux, il tient sa cour dans sa forteresse de Dagdi Chawl, un quartier qui par force lui est entièrement dévoué. Dans les logements sociaux de Dagdi Chawl, dès que leurs fils ont l’âge requis les parents leur conseillent de travailler pour Gawli. La prédilection de son gang pour les culottes courtes lui a valu son surnom de Compagnie Chaddi {100} . Ses hommes ne lui coûtent pas les yeux de la tête : ils boivent de l’alcool local et se nourrissent de vadapav. Ceux de la Compagnie-D ont des goûts plus sophistiqués : « Il leur faut des bars à bière avec des éclairages », m’a confié un de leurs dirigeants. Le gang Chaddi recrute essentiellement parmi les ouvriers au chômage ; pour joindre les deux bouts, ils vendent des légumes sur le marché de Dadar, mais sur un simple coup de fil ils abandonnent leurs étals une demi-heure, le temps d’aller rosser celui qu’on leur a désigné. Admiratifs, les flingueurs de la Compagnie-D voient en eux « des as du scooter ». Dommage, ajoutent-ils, que Gawli se soit lancé dans la politique, car son gang ne s’en est pas remis. Au fil du temps, en effet, Gawli s’est mis à jouer les fonctionnaires. En 1997, il a renfloué un parti politique, et lorsque ce dernier a commencé à faire de l’ombre au Shiv Sena, Bal Thackeray a su persuader la police de stopper l’ascension de Gawli. Quand il est en prison, c’est sa femme, Asha, qui prend la tête des opérations. Ainsi toutefois que me l’a expliqué un truand de la Compagnie-D : « Il faut un homme pour diriger un gang. »
    Le crime organisé tel qu’il existe à Bombay est un cas d’espèce. « Tous les crimes, toutes les activités terroristes sont ordonnés depuis l’étranger, dit Ajay pour m’expliquer l’incapacité de la police de Bombay à mettre définitivement un terme aux agissements de la pègre. On arrête les tueurs, les grouillots qui font le boulot. Quand on a de la chance on remonte jusqu’aux types qui leur ont fourni les armes, mais on ne touche jamais que les bras et les jambes de l’organisation. Les cerveaux vivent à l’étranger. » De Buenos Aires à Bangkok, les vrais maîtres des gangs font le tour de la Terre en présentant de faux passeports, et ils se servent de liaisons satellite, pour déplacer leurs troupes sur le terrain. « Ces lignes de téléphone, ce sont leurs autoroutes à eux », commente Ajay.
    Les gangs tirent leurs revenus du racket, des extorsions, du blanchiment d’argent, du jeu, de la fabrication illicite d’alcool, du piratage, de la production cinématographique, de la prostitution à grande échelle, du trafic de drogue. Depuis quelque temps, les gangs de Bombay travaillent en réseau avec des organisations terroristes implantées un peu partout sur le sous-continent, qu’il s’agisse des Tigres tamouls du Sri Lanka, du Front uni de libération de l’Assam, du groupe Guerre du Peuple qui opère en Andhra Pradesh. Ils les financent en leur achetant des armes. Ajay a les noms de plusieurs membres de la Compagnie-D en poste à Guwahati, lointaine capitale de l’Assam.
    Les sommes générées par la prostitution et la fabrication d’alcool permettent de subvenir aux besoins de la masse des sous-fifres, de payer les avocats du gang et les pensions versées aux familles des hommes qui purgent une peine de prison. Les fonds extorqués sont partagés en deux parts inégales : soixante pour cent vont directement dans la poche du parrain, à l’étranger, et les quarante pour cent restants tombent dans le pot commun avant d’être répartis sur place entre les troupes. Les transferts à l’étranger se font par l’intermédiaire des réseaux hawala {101} , un système de blanchiment d’argent sans trace écrite, où le sac de

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