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Bonaparte

Bonaparte

Titel: Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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sommes parvenus à tout sauver, prétend cependant Napoléon en racontant la scène le lendemain à Joséphine. Ce spectacle était grand, ajoute-t-il. Des coups de canons d’alarme, le rivage couvert de feux, la mer en fureur et mugissante. Toute la nuit, dans l’anxiété de sauver ou de voir périr ces malheureux, l’âme était entre l’éternité, l’océan et la nuit. À cinq heures du matin, tout s’est éclairci, tout a été sauvé, et je me suis couché avec la sensation d’un rêve romanesque ou épique, situation qui eût pu me faire penser que j’étais tout seul, si la fatigue et le corps trempé n’avaient laissé d’autre besoin que dormir... »
    Ce même jour, il passe l’armée en revue et reconnaît Dupin qui, la veille, s’était jeté à l’eau pour sauver une chaloupe chargée de soixante grenadiers.
    — Colonel, dit-il en se tournant vers son frère Joseph, commandant le 4 e de ligne, je vous recommande particulièrement ce brave.
    Tous les assistants sont stupéfaits par le mémoire de l’Empereur, « surtout précise Dupin, lorsque j’affirmai qu’au moment où il m’avait vu la veille, la nuit était obscure et qu’il n’avait pu me voir qu’à la lueur des éclairs ».
    Le 31 juillet, l’Empereur peut, à Ambleteuse, face à l’escadre anglaise, passer en revue une division navale venue de Calais. « Le temps s’est remis au beau, écrit-il cette fois à Cambacérès. Je désire savoir s’il en est de même aux environs de Paris et quelle influence les dernières pluies auront pu avoir sur les récoltes... »
    Entre deux revues, Napoléon s’occupe de la protestation de Louis XVIII. Le « comte de Lille » a lancé, en effet, quelques belles phrases lorsqu’il a appris que le petit Corse fait officier par son frère avait osé s’asseoir sur le trône de Saint Louis. Napoléon juge préférable de ne point répondre :
    — L’oubli, dit-il, le mépris, l’insouciance est le meilleur parti à prendre dans les affaires de cette nature.
    Les nobles paroles de Louis XVIII se perdont encore plus certainement dans le bruit des salves d’artillerie, des sonneries de cloches, et des musiques militaires, qui vont saluer le chef de la nouvelle dynastie au cours de la cérémonie solennelle de la remise de la Légion d’honneur à l’armée de Boulogne – par un temps malheureusement épouvantable. Le 16 août, entre le Moulin-Hubert et Therlincthun, non loin de la mer, on a placé au centre d’une plate-forme couverte d’un tapis un trône doré, qui avait soi-disant servi à Dagobert... En guise de baldaquin, on a disposé un trophée d’armes composé des drapeaux, guidons et étendards autrichiens et turcs pris à Arcole, à Rivoli, à Castiglione, aux Pyramides, à Aboukir et à Marengo {35} ...
    Les croix de la Légion d’honneur qui vont être distribuées ont été placées dans les casques et boucliers ayant appartenu, dit-on, à Duguesclin et à Bayard, et reposant sur des trépieds. Malgré ce bric-à-brac de théâtre, certains légionnaires, dans le feu de l’exaltation, embrassent ces reliques. L’un d’eux s’écrie même avec ardeur :
    — Je vais donc recevoir le prix de la valeur de l’armure du plus loyal des guerriers. Dans les siècles à venir, celle de Bonaparte ornera une pareille fête...
    Les croix sont distribuées par l’Empereur au milieu d’un enthousiasme délirant. Le capitaine Perdigan, dans une lettre à son épouse, ne trouve pas de mots assez expressifs pour peindre l’ampleur de son émotion – d’autant plus qu’il est l’un des premiers chevaliers.
    Cependant, Napoléon ne se décide point à quitter l’estrade. Inquiet, impatient, il interroge du regard le ministre Decrès. Puis, saisissant sa lunette il inspecte la mer. Visiblement l’Empereur attend « quelque chose ». Berthier, selon son habitude, se ronge les ongles nerveusement. Enfin apparaît une flottille de mille à douze cents embarcations – péniches et canonnières de débarquement – venues de différents ports des Pays-Bas et convergeant vers Boulogne. Ce clou de la journée doit, dans la pensée de l’Empereur, terroriser l’escadre anglaise dont les puissantes lunettes sont braquées vers la côte française. Malheureusement, l’officier qui commande la première division de la flottille n’a pas attendu l’arrivée du pilote, et échoue lamentablement son petit bâtiment sur un obstacle à fleur d’eau. Plusieurs chaloupes chavirent.

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