Bonaparte
pourrait retirer de là des bois qu’on pourrait faire passer par le Rhin. »
À Crêtet, directeur général des Ponts et Chaussées :
« Mon intention est que vous donniez des ordres pour que la rue de Rivoli, la place du Carrousel et le quai Bonaparte soient entièrement pavés et achevés avant le 18 Brumaire. Il est nécessaire que vous preniez des mesures en conséquence. »
Résidant encore à Aix-la-Chapelle, il ordonne que les insignes qui ont servi au sacre de Charlemagne soient portés au cours d’une procession solennelle : couronne, épée, main de justice, globe impérial, éperons d’or. Le crâne de l’empereur d’Occident et l’os de l’un de ses bras sont exhibés. En assistant à la cérémonie, Napoléon pense à son propre sacre. Dès son retour, on en discute les détails. Comment sera habillé le souverain ? Le Conseil d’État préconise le fastueux costume que l’on connaît. Ce qui n’enchante d’ailleurs pas l’Empereur, et il est bien regrettable que l’on n’ait pas suivi sa première réaction :
— Quand vous m’emmailloterez de tous ces habits-là, avait-il protesté, j’aurai l’air d’un magot. Avec vos habits impériaux vous n’en imposerez pas au peuple de Paris qui va à l’Opéra où il en voit de plus beaux à Laïs et à Chéron qui les portent beaucoup mieux que moi. Est-ce que vous ne pouvez pas ajuster votre manteau par-dessus mon habit, comme je suis là ?
Les conseillers, très préoccupés par leurs propres tenues, refusent. Si le principal personnage de la cérémonie ne brille point par l’éclat de ses habits, comment pourront-ils réclamer pour eux des vêtements d’or et d’argent ?
Le lieu du couronnement est également débattu. Pourquoi pas à Aix-la-Chapelle ? Vingt empereurs y ont été couronnés et Napoléon penche pour ce choix.
— Quand ce ne serait que pour faire voir aux Parisiens qu’on peut gouverner sans eux !
Il hait Paris et « sa canaille » – le mot est de lui.
— Cette ville qui a toujours fait le malheur de la France ; ses habitants sont ingrats et légers ; ils ont tenu des propos atroces contre moi.
Au conseil, personne ne prend la défense de la capitale et Napoléon renchérit :
— Tant que j’aurai du sang dans les veines, je ne me laisserai pas faire la loi par les Parisiens. Il ne me faudra pas deux cent mille hommes, j’en ai assez de quinze cents pour mettre Paris à la raison. Je finirai par mettre la main sur ces messieurs et les envoyer à deux cents lieues ! Ce sont des gens à p... dessus... N’est-il pas honteux que l’on dise aujourd’hui que Pichegru a été étranglé dans sa prison !
Plusieurs membres protestent : il n’y a plus d’opposition aujourd’hui à Paris ! Il s’exclame :
— Je crois bien ! Il ne peut y en avoir.
Quelqu’un murmure :
— On est tranquille...
— Parce qu’on ne peut pas bouger, conclut l’Empereur.
Paris n’en est pas moins choisi pour le couronnement. Cependant, Napoléon ne se fait guère d’illusion sur sa popularité. Les Parisiens sont muselés et s’ils bronchent c’est en silence. Napoléon, jamais rassuré lorsqu’il s’agit de la terrible ville, prendra presque chaque jour le pouls de la capitale grâce aux rapports établis par Fouché. On l’entendra dire un jour : « L’homme parfaitement heureux est celui qui parvient à se cacher de moi, de telle façon que je ne puisse soupçonner son existence. »
Lorsqu’il demandera à un de ces chambellans : « Que dirait le monde si je mourais ? », le courtisan répondant que ce serait là, à coup sûr, pour tous, la plus grande catastrophe, Napoléon haussera les épaules :
— Vous vous trompez, mon cher, le monde dirait ouf !
Mais n’anticipons pas. En 1804 on s’interrogeait seulement pour savoir si le Pape accepterait ou non de se rendre à Paris pour couronner celui que Louis XVIII, dans son exil, nommait déjà « M. l’Usurpateur ».
Napoléon fait venir à Saint-Cloud le légat du Pape, le cardinal Caprara. Fondateur de la IV e dynastie, il lui déclare, comme s’il s’agissait là d’une chose toute naturelle :
— Toutes les autorités me font sentir combien il serait glorieux que mon sacre et mon couronnement fussent faits par les mains du Pape et quel bien il en résulterait en même temps pour la religion. Je n’adresse pas dès à présent une prière formelle au Pape parce que je ne veux pas m’exposer à un refus. Faites donc l’ouverture et dès
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