Bonaparte
Allons-nous toujours avoir pour nous commander des peintres et des médecins !
Marmont, alors capitaine devant Toulon, affirme que Dugommier subissait « complètement l’ascendant » du jeune chef de bataillon. Les sympathies sont réciproques et Napoléon dira plus tard de Dugommier :
— Il aimait les braves et en était aimé. Il était bon, quoique vif, très actif, juste, avait le coup d’oeil militaire, le sang-froid et l’opiniâtreté dans le combat.
Buonaparte a fait établir devant la redoute du Petit Gibraltar une batterie – dite « batterie de la Convention » – afin de « contre-battre » le fort. Son objet : faire diversion. Déjà, le jeune commandant sait manier ses soldats, et il baptise la position « batterie des hommes sans peur ».
Le 30 novembre, les Anglais opèrent une vigoureuse sortie sur la batterie, mais prêts de s’en emparer, sont rejetés avec de lourdes pertes. L’ennemi laisse de nombreux prisonniers, parmi lesquels le général O’Hara. Buonaparte exulte :
— La matinée a été belle ! dit-il.
Ce soir-là, en envoyant son rapport à Paris, Dugommier signale « le citoyen Buonaparte » parmi ceux « qui se sont le plus distingués » – et, le 1 er décembre, le nomme adjudant-général.
Au quartier général, le plan de Buonaparte est accepté : on attaquera Le Caire, puis l’Eguillette, enfin le Balaguier. Du 11 au 16 décembre, les batteries de Napoleone font pleuvoir un feu intense sur le goulet. Est-ce ce jour-là que, se trouvant dans une batterie où l’un des chargeurs a été tué, il prend le refouloir et charge lui-même la pièce à douze coups ?
L’ennemi riposte...
Le sergent Andoche Junot – quelques semaines auparavant, Napoleone l’a remarqué à la fois pour son courage et sa belle écriture – est en train de recopier les ordres de son chef Buonaparte. Un boulet tombe à deux pas et couvre le papier de terre.
— Bon, s’exclame paisiblement le futur duc d’Abrantès, je n’aurai point besoin de sable.
C’est en se souvenant de ce mot-là que Buonaparte fera un jour de Junot le gouverneur de Paris.
Le 16 décembre, il est une heure du matin, sous une pluie diluvienne et un vent violent, l’infanterie escalade Le Caire. Buonaparte s’est mis à la tête d’un bataillon. En dépit d’un coup de baïonnette au mollet – il est soigné par Jean-François Hernandez –, il fonce... Il est « à tout et partout ». Les chefs de détachement n’ont qu’une parole dans la bouche :
— Courez au commandant d’artillerie, demandez-lui ce qu’il faut faire, il connaît mieux les localités que personne.
Tandis que la tempête fait rage, le fort Mulgrave est emporté. Puis, c’est au tour du Petit Gilbraltar – aujourd’hui fort Napoléon. Marmont, sur l’ordre de Buonaparte, retourne les canons anglais contre l’ennemi. Soutenus par les batteries mises en position au Caire, les fantassins attaquent maintenant l’Eguillette et le Balaguier qui commandent le goulet. L’ennemi évacue les deux forts sans avoir eu le temps de rendre les canons inutilisables. De ce fait, la rade, le port et la ville sont maintenant sous les feux des pièces de Buonaparte :
— Demain, au plus tard après-demain, s’écrie-t-il, nous souperons à Toulon !
Le 17 décembre, les remparts du fort de Malbosquet sont écrêtés. Buonaparte et ses hommes se lancent à l’assaut, pénètrent dans l’ouvrage et tournent, là aussi, les pièces ennemies contre la ville. Il en est de même de la puissante forteresse du Mont-Faron : le même jour elle est conquise.
Dans Toulon, c’est le sauve-qui-peut.
Les Anglo-Espagnols, avant de s’embarquer, ont mis le feu à l’Arsenal et aux bateaux français qui leur avaient été livrés avec Toulon. Les Toulonnais royalistes se précipitent dans des barques chargées à couler bas et, canonnés par Buonaparte, essayent de fuir devant l’avance républicaine. « Une frégate qui était plus mauvaise voilière, ayant un peu tardé à sortir, racontera Napoléon, s’est trouvée à portée du canon au moment où nos batteries de l’Eguillette ont été finies ; nous l’avons chauffée à boulets rouges, et, à la grande satisfaction de tous les républicains, et à la vue de toute l’escadre, nous l’avons brûlée. »
Après l’incendie des vaisseaux et des magasins, dans le crépitement et les explosions des entrepôts à poudre, les portes de Toulon s’ouvrent enfin, mais, seuls, quelques rares
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