Bonaparte
général et l’aide de camp ne parviennent pas à résoudre ce délicat problème et finissent par demander à « l’officier d’artillerie si, par ses principes, il ne saurait pas quelque remède à cela ».
Buonaparte croit d’abord qu’il s’agit d’une plaisanterie, mais les deux officiers semblent le plus sérieux du monde, aussi, avec tout le ménagement et la gravité possibles, il essaye de leur faire comprendre que, « avant de s’embarrasser de boulets rouges », il faut « essayer à froid pour bien s’assurer de la portée ».
II ne parvient à les convaincre qu’en employant l’expression technique de coup d’épreuve, qui frappe beaucoup les deux ignorants et les oblige à se ranger à son avis. Le « coup d’épreuve » tiré, atteignant à peine le tiers de la distance, prouve que les batteries se trouvent placées infiniment trop loin du but. Carteaux et Dupas accusent bien sûr ces « coquins de Marseillais » et les aristocrates de Toulon qui auront, malicieusement, sans doute, « gâté les poudres ». Ils vocifèrent à qui mieux mieux... L’arrivée du représentant Gasparin met fin à cette scène burlesque. Buonaparte – s’il faut l’en croire – se redresse, « interpelle le représentant, le somme de lui faire donner la direction absolue de sa besogne ; démontre sans ménagement l’ignorance inouïe de tout ce qui l’entoure, et saisit, dès cet instant, la direction du siège, où dès lors, il commanda en maître ».
C’est là quelque peu excessif ! Il paraît tout aussi difficile d’ajouter foi au récit de Barras – alors lui aussi représentant en mission aux armées, qui prétendra avoir découvert le « lieutenant Buonaparte »... et l’avoir nommé capitaine – lorsqu’on sait que, plus d’un an auparavant, Louis XVI avait signé la promotion du nouveau commandant de compagnie...
Quoi qu’il en soit, le capitaine se met au travail et Salicetti pourra annoncer au Comité de Salut public : « Pendant la nuit de mardi à mercredi, le capitaine Buonaparte établit sa batterie – la Montagne – à la Guarène, au-dessus des Poudrières. » Ses canons sont fort bien placés, et il obligera, le 19, une frégate qui voulait entrer dans le port à faire demi-tour. Barras affirmera qu’il avait « apaisé les préventions de Salicetti... » En lisant la dépêche de Salicetti au Comité de Salut public, on voit que le collègue de Barras n’avait aucune « prévention » contre le jeune capitaine corse qu’il avait vu agir à Bastia et à Ajaccio. Mais le futur roi des pourris, le vicomte Paul de Barras, voudra faire croire que Buonaparte lui devait tout : « Je lui donnai devant tout le monde des preuves de ma bienveillance et l’autorisai à achever la construction de sa batterie. »
Le 20 septembre, Buonaparte fait avancer ses canons. « La batterie des Sans-Culottes » placée à Brégaillon, « tout à fait sous la chapelle, au bord de la mer », tient une partie de la rade sous « son feu en tirant à boulets rouges, et l’ennemi évacue la Seyne. Est-ce ce jour-là que le « capitaine instruit » constatera :
— Il en est des systèmes de guerre comme des sièges de places : il faut réunir ses feux contre un seul point.
Quelques jours plus tard – le 29 septembre –, le capitaine Buonaparte est proposé pour le grade de chef de bataillon, nomination qui sera confirmée le 19 octobre.
Napoleone a déclaré à Carteaux, dès le jour de son arrivée :
— Prenez le fort de l’Eguillette et avant huit jours vous entrerez dans Toulon.
Quel était le plan de Buonaparte ? Selon lui, Toulon ne pouvait être pris par un assaut de l’infanterie. Louis Madelin l’a expliqué : « Du jour où l’escadre ennemie serait menacée d’être bombardée à boulets rouges, celle-ci serait forcée d’évacuer la petite rade ; de cette heure, Toulon tomberait comme un fruit mûr entre les mains des « républicains », la prise de la ville serait donc, par excellence, opération d’artillerie, simplement secondée par les attaques d’infanterie... Il n’était d’ailleurs nullement nécessaire d’attaquer de tous les côtés, il fallait, profitant de la trouée faite à Ollioules, s’approcher par bonds successifs du petit massif du Caire, avancer progressivement les batteries, sans cesse renforcées et multipliées, vers le rivage occidental de la petite rade, les pousser ainsi jusqu’aux pointes de l’Eguillette et de Balaguier, que
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