Bonaparte
le fort Saint-Nicolas en état de défense, au moins contre les efforts de quelques malveillants. Il faudrait relever une des trois enceintes.
Je vais faire placer des canons pour maîtriser la ville. »
La lettre aussitôt arrivée à Paris, un courrier reprend le chemin de Marseille portant ordre du Comité de Salut public de faire arrêter ce général par trop agité qui parle de canonner Marseille, puis de faire conduire ce buveur de sang, de brigade de gendarmerie en brigade de gendarmerie, « jusqu’à la Conciergerie, à Paris ».
Cependant, protégé par Augustin Robespierre et Salicetti, Buonaparte, nous racontera Chaptal, est seulement mis « en arrestation chez lui, sous la garde d’un gendarme ». Le frère de l’Incorruptible l’assure « qu’il espère un bon résultat de ses démarches ».
Junot, enfermé avec son chef, lui propose « d’étouffer leur cerbère », de s’emparer d’une barque et d’aller se réfugier en Corse. Napoleone refuse – et il a raison puisque Maximilien et son frère le font libérer.
À cette époque, Napoleone, à son tour, fait la connaissance de la famille du négociant Clary, demeurant rue des Phocéens, et qui s’est occupée l’été dernier de Letizia et de ses enfants. Joseph semble assez épris d’une des filles de la maison : Désirée. Elle est brune, piquante, gracieuse, possède de beaux yeux noirs. Jolie ? Disons qu’elle possède cette beauté du diable qui vaut souvent mieux que les traits chers aux sculpteurs grecs... Une soeur de Désirée – Julie – sert de chaperon. Napoleone fait tout d’abord rire les deux jeunes filles. Le visage jaunâtre aux os saillants du jeune général est encore encadré de longs cheveux noirs qu’un peigne et qu’une brosse paraissent n’avoir jamais approchés. Son uniforme flotte sur son corps amaigri et ses bottes percées et ridées semblent avoir été achetées chez un quelconque fripier. Mais lorsqu’il sourit, lorsqu’il vous regarde de ses yeux brillants, tout son visage s’éclaire et on ne voit plus rien d’autre... Et bientôt, Désirée découvre que son coeur bat un peu plus vite au seul nom de Napoleone.
Dès son arrivée à Marseille, le jeune général se sent en confiance entre son frère et les deux jeunes filles. Si Joseph doit épouser la coquette et expansive Désirée, il semble probable que Napoleone convolera avec la grave Julie. Jusqu’au jour où le futur empereur déclare aux trois jeunes gens :
— Dans un bon ménage, il faut que l’un des deux cède à l’autre. Toi Joseph, tu es d’un caractère indécis, et il en est de même de Désirée, tandis que Julie et moi nous savons ce que nous voulons. Tu feras donc mieux d’épouser Julie. Quant à Désirée, ajoute-t-il en prenant la jeune fille sur ses genoux, elle sera ma femme.
« C’est ainsi, racontera plus tard Désirée, que je devins la fiancée de Napoléon. » Joseph s’inclinera de bonne grâce et, quelques mois plus tard, le 1 er août, épousera Julie dont on ignore d’ailleurs les réactions à la suite de ce chassé-croisé sentimental. Quant au mariage de Désirée et de Napoleone, on n’ose point encore en parler ouvertement. Sans doute Buonaparte vient-il d’être nommé – le 7 février – commandant de l’artillerie de l’armée d’Italie, sans doute, le 16, reçoit-il son brevet d’officier général, mais sa situation n’en est pas moins médiocre, et Désirée garde toujours à l’esprit cette exclamation de sa mère :
— J’ai déjà bien assez d’un Buonaparte dans ma famille !
Exclamation qui ne manque pas de sel lorsqu’on connaît la suite... Par ailleurs, Joseph semble, dans toute cette « affaire », n’avoir guère aidé son frère. Quoi qu’il en soit, rien n’est encore décidé entre les deux jeunes gens lorsque Buonaparte s’installe avec son état-major – Junot, Marmont, Muire, Charbonnel et Louis, devenu capitaine – au Château-Sallé qu’il s’offre le luxe de réquisitionner. Une bastide, un mas plutôt où il fait venir sa famille. Grâce à sa solde de quinze mille livres, grâce à ses six rations de vivres, on mène enfin une existence agréable.
Mais Napoleone, tout en gardant ses fonctions d’inspecteur des côtes, doit rejoindre son poste à l’armée d’Italie. Aussi, tandis que sa mère et ses soeurs demeurent au Château-Sallé – où Junot est tombé éperdument amoureux de Paoletta – Buonaparte s’installe à Nice, au numéro
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