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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Ragastens.
    – Tu es un véritable ami… Comment t’appelles-tu ?
    – Que t’importe, mon cher !… Profite de l’occasion… je me charge de tout.
    – Non !… Je serais mis en disgrâce… peut-être pis encore !
    – Va donc, morbleu ! Je te réveillerai toutes les deux heures !
    – Ah ! Pour le coup, voilà la bonne idée…
    – Va, mon cher… Ah ! l’heureux gaillard !
    – Eh bien, écoute, fit soudain l’officier. Le mot de passe est… Tibre et Tivoli… Avec cela, mes gaillards feront tout comme si tu étais moi-même !… Mais tu me jures… toutes les deux heures…
    – Toutes les deux heures, j’irai changer la garde, et s’il survient un incident, je te réveille !…
    – Embrasse-moi, camarade !…
    Ragastens donna l’accolade à l’officier et, moitié le poussant, moitié le soutenant, le conduisit à l’escalier que la jolie servante escaladait déjà. Quelques instants plus tard, il entendit une porte s’ouvrir et se refermer.
    – Dans cinq minutes, il ronflera, pensa-t-il, et il en a pour jusqu’à demain !…
    Aussitôt, il passa par une porte latérale sous le hangar. Les hallebardiers l’avaient vu dîner avec leur supérieur ; ils étaient tous convaincus que Ragastens était un camarade de leur officier, venu pour lui tenir compagnie. Cette conviction se fortifia lorsque Ragastens, ayant appelé le sergent, lui donna le mot de passe et lui ordonna de désigner les quatre hommes de garde dont c’était le tour de veiller à l’église.
    Le sergent s’exécuta et salua Ragastens. Celui-ci frémit de joie. Le résultat de sa manœuvre était inespéré.
    L’heure de changer la garde étant arrivée, Ragastens accomplit cette cérémonie exactement comme il avait vu faire l’officier. Il exagéra la raideur militaire et son ton rogue donna aux hallebardiers une haute idée de ses capacités. De retour au hangar, il passa en grognant fort l’inspection du poste.
    – Qu’on dorme ! fit-il en redoublant de sévérité. Sergent, vous me répondez du bon ordre. Je ne veux pas entendre un mot.
    Sur ce, il sortit comme un homme décidé à accomplir méticuleusement sa consigne et qui ne veut pas se laisser surprendre par le sommeil.
    Dans la rue, une ombre se dressa près de lui. C’était Spadacape. Ragastens l’entraîna dans une encoignure.
    – Monsieur, lui dit alors Spadacape, vos deux amis sont au Panier fleuri, avec une vieille femme, tous trois dans une mortelle inquiétude… Ils m’ont envoyé pour tâcher de vous trouver…
    – Bon ! Eh bien, tu vas aller leur dire que tout va bien.
    – J’y cours… Annoncerai-je votre retour ?
    – Non. Écoute. Peux-tu, sans bruit, amener la voiture jusque sur la petite place de l’église ?
    – En mettant de la paille autour des roues et en enveloppant les sabots des chevaux, je réponds du silence…
    – Peux-tu être sur la place dans un quart d’heure ?
    – Oui, mais ce sera juste…
    – Bien, sois donc, dans vingt minutes, sur la place, avec la voiture. Mes deux amis et la vieille femme dont tu parles devront être dans la voiture… Surtout qu’ils ne bougent pas avant de me voir.
    Spadacape s’élança vers le Panier fleuri et Ragastens se dirigea rapidement vers l’église. Il tenait à être seul.
    Que l’un de ces soldats fût pris d’un doute, qu’un soupçon passât par l’esprit de l’un des factionnaires de la morte et tout était perdu… Il fallait frapper un seul coup, et que le coup portât…
    Les quatre hallebardiers lui apparurent vaguement dans la pénombre. Leurs attitudes affaissées indiquaient que le sommeil les gagnait. L’un d’eux dormait même tout à fait. Il dormait debout, appuyé sur sa hallebarde et son sommeil était presque aussi profond que s’il eût été dans son lit, comme il arrive aux soldats habitués à rester debout, immobiles, pendant longtemps.
    Du fond de l’église, Ragastens examina un instant la situation. Tout à coup, il s’ébranla : il avait trouvé ! Il marcha droit au dormeur et lui mit rudement la main sur l’épaule. L’homme sursauta. Les trois autres prirent aussitôt une raideur de statues.
    – Eh bien, mon camarade, fit Ragastens, il paraît que vous dormez !… En faction !… Le cas est grave…
    – Mon officier, balbutia le dormeur… la fatigue…
    – Il n’y a pas de fatigue pour un bon soldat. Dans ma compagnie, reprit Ragastens, pour dormir sous les armes, c’est deux mois de

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