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Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Titel: Brautigan, Un Rêveur à Babylone Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Keith Abott
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l’argent, puis brillèrent d’une gourmandise enfantine. Lui pouvait à
peine se contenir. Tout à sa joie, il courut chercher un bocal à mayonnaise
vide, le tendit à Perséphone. Elle lui lança un regard radieux, le lui prit des
mains, et le plaça sur une étagère. Alors le balai s’anima d’une danse
primesautière, à la pêche aux quarts de dollars, dimes et nickels. J’aime
repenser à ce jour. Le visage de Richard, dans l’encadrement de la porte, sa
gueule de bois volatilisée, observant avec délices Perséphone qui astiquait son
parquet. Il savait que cela deviendrait une légende de son enfance. Se séparer
de sa petite monnaie, voilà qui était une excellente façon de dire adieu à son
appartement de Geary Street et aux années 60.

 
    Chapitre
v
BOLINAS
     
     
    Lorsque, au début des années 70, Richard a acheté une maison
de campagne à Bolinas, il m’a semblé que c’était une sage décision. Il allait
pouvoir y accueillir tous ceux qui l’avaient aidé au cours des précédentes
années, ce qui, jusqu’alors, avait été impossible dans son taudis de Geary
Street. Le temps était venu qu’il prenne ses distances avec San Francisco-la-Tentatrice,
et qu’il mette le holà à ses virées chez Enrico, où la ribambelle de jeunes
femmes qu’il levait étaient toutes amoureuses de sa gloire.
    Il lui fallait un endroit où se retirer après ses séances
d’écriture dont il sortait exténué, nerveux, et miné par l’insomnie. Cependant,
comme à peu près tout ce que Richard a entrepris, cette maison s’est révélée
une réussite mitigée.
    C’est par le truchement de Price que j’ai entendu parler de
la maison de Bolinas ; Price qui assistera Brautigan lors des premiers
aller et retour du déménagement. J’imaginais déjà un site clair et ensoleillé
sur le plateau de Bolinas, surplombant l’océan. En fait, il s’agissait d’une
haute bâtisse en bois de séquoia, à deux étages, pourvue d’une terrasse
spacieuse sur le devant, nichée en pente sous les arbres, avec vue sur d’autres
arbres.
    Ma première impression fut la suivante : cette bicoque
est sombre, humide et lugubre. Pourquoi Richard a-t-il acheté ça ? Avec
l’argent dont il disposait, il aurait pu s’offrir une villa bien exposée face à
l’océan. Plus tard, à Monterey, j’ai posé cette question à Price :
« Pourquoi donc a-t-il fait ce choix ? » Price s’en prit à la
sottise de Richard :
    « Ah ! Keith, ça lui rappelle les cabanes perchées
dans les arbres de son Nord-Ouest natal, voilà pourquoi il l’a achetée.
Maintenant, il peut se poster à n’importe quelle fenêtre et ne plus voir que
des arbres. »
    En 1973, j’habitais Berkeley. En tant que propriétaire d’une
camionnette et parce que sans travail régulier, je fus recruté par Richard pour
l’aider à rendre sa maison habitable. Le premier jour fut consacré au transport
de caisses remplies de livres et autres objets, afin de les entreposer au
rez-de-chaussée.
    Ce jour-là, Richard ne devait revenir de San Francisco que
plus tard dans l’après-midi. Curieux de visiter les lieux, je suis monté à
l’étage, et j’ai découvert trois chambres à coucher et une salle de bains. J’ai
pénétré en dernier dans la pièce orientée à l’est. Plutôt exiguë, encombrée
d’un bric-à-brac de sommiers, elle faisait l’angle.
    J’étais sur le point de m’en aller quand j’ai cru deviner
une présence étrangère.
    Mon sixième sens m’avait signalé une fille en chemise de
nuit blanche, comme une diapositive glissée devant un projecteur. Sur le
moment, je ne m’en suis pas inquiété. L’image était passée comme un éclair,
sans doute ne s’agissait-il que d’une hallucination fugitive.
    Quand Richard est rentré ce soir-là, j’y ai fait allusion
sur le ton de la plaisanterie.
    « Cette fille dans la chambre du fond, qui
est-ce ? »
    Richard a blêmi.
    « Tu l’as v-vv-vue ? » a-t-il bégayé.
    « Ouais, en quelque sorte, pas vraiment vue, plutôt
devinée », répondis-je, « qui est-ce ? »
    « Je ne sais pas, mais tu es la quatrième personne à
m’en parler, et tu ne connais aucune des trois autres, ce qui fait que je n’ai
aucune raison de ne pas te croire. »
    Qu’il y ait un fantôme dans la chambre du fond de la
nouvelle maison de Richard, finalement, cela ne m’étonnait pas outre mesure.
    Dans La Vengeance de la pelouse, une des nouvelles
met en scène un petit

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