Byzance

renseignements qu’il pourrait entasser dans son crâne épais.
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    — Vous êtes certain que c’est l’impératrice elle-même que vous allez voir, et non Siméon, cet…
    Halldor allait faire une allusion satirique à l’eunuque préféré de l’impératrice. Il se retint par respect pour Grégori qui venait d’entrer sous la tente de Haraldr.
    — Siméon m’a apporté le message lui-même. Signé par l’encre violette comme toutes les missives de l’empereur.
    Haraldr se tourna vers Grégori, drapé dans une robe de soie blanche trop ample comme un enfant dans une tunique d’homme.
    — Tu parais plus nerveux ce soir que le jour où nous avons affronté l’armée des brigands sarrasins. Ne me dis pas, mon ami, que ta poitrine sans peur est en train de trembler.
    Grégori était vraiment nerveux ; il sourit à peine à la tentative de Haraldr de le dérider. Il n’était jamais sans danger d’approcher de trop près la Sainte Mère ou le Saint Père des Romains. Lorsqu’il avait débuté dans l’administration impériale, Grégori n’avait jamais imaginé qu’il aurait des raisons de s’inquiéter à ce sujet. Il était enchanté que sa position lui permette de voir Leurs Majestés impériales de plus près que la racaille de Byzance. Mais entrer dans le pavillon impérial, et surtout en présence de Sa Majesté impériale qui pouvait éliminer d’un regard toute personne qui l’offensait – même l’empereur et autocrate ! Non, c’était trop d’irrévérence.
    — Je songe à une ancienne histoire grecque que je ne vous ai pas encore racontée, Haraldr Nordbrikt, dit Grégori à mi-voix. Au sujet d’un nommé Dédale, qui inventa des ailes de cire pour lui-même et son fils. L’enfant vola trop près du soleil et mourut.
    — Ma foi, dit Haraldr, au cours de ce voyage je n’ai guère eu l’occasion de voler trop près du soleil impérial.
    Il secoua la tête. Il avait vite appris que la mission de garder la personne de l’impératrice consistait en fait à veiller sur un essaim d’eunuques qui gardaient eux-mêmes la personne de l’impératrice. Des bourdons à la peau pâle qui, au cours de ce voyage, n’avaient probablement pas foulé de leurs pantoufles de soie plus de deux coudées de la vaste étendue de l’empire de terre nue. Mais ils se transformaient en frelons furieux qui défendaient leur nid chaque fois que l’un des komès de la Garde impériale de Sa Majesté s’approchait de la voiture et du pavillon impériaux. Grégori avait fait comprendre à Haraldr que ces fonctionnaires impériaux étaient versés dans une sorte de combat pour lequel il était lui-même fort mal équipé. Haraldr avait donc observé les curieux protocoles et en avait été récompensé par le spectacle d’un bout de soie écarlate entrevu lorsque Sa Majesté impériale se faisait escorter de sa voiture dorée au pavillon pourpre que le détachement d’éclaireurs préparait pour elle chaque soir.
    Et Maria. Il était certain qu’elle faisait partie des dames qui occupaient les quatre voitures aux rideaux fermés, peut-être même voyageait-elle dans la voiture de Sa Majesté impériale. Un eunuque avait chuchoté son nom au cours d’une des incessantes délibérations au sujet du protocole. Maria. Haraldr ne pouvait pas décrire l’agitation qui s’était emparée de lui quand il avait entendu ce nom. Serait-elle avec sa maîtresse ? Pourrait-il empêcher son visage de rougir comme celui d’une vierge quand il la reverrait enfin ? Non. Il ne fallait pas qu’il pense à elle. Il était ici pour servir l’empereur.
    — Je suis certain que ce sera une brève entrevue, dit Haraldr en se donnant un dernier coup de peigne.
    Un serviteur lui présenta un miroir au-dessus de sa cuvette d’argent.
    — D’ailleurs, personne n’est admis bien longtemps en présence de l’empereur et autocrate.
    Les eunuques vinrent à la rencontre de Haraldr et de Grégori à l’intérieur du cercle de cent cinquante Varègues qui assuraient la sécurité des pavillons de brocart de Sa Majesté. Toute personne qui se serait approchée à distance de hache de cette barricade humaine sans lancer clairement le mot de passe, changé chaque soir, aurait eu le crâne fendu dans l’instant. Le rituel que les eunuques expliquèrent à Haraldr était identique à celui de son audience avec l’empereur mais avec une exception surprenante :
    — Sa Majesté impériale, déclara onctueusement