Byzance
Siméon, s’attendra à ce que vous répondiez sans que son chambellan vous fasse signe.
L’entrée du pavillon impérial principal était dissimulée sous des rideaux de brocart si épais qu’ils semblaient de plomb. Les échos d’un instrument à cordes, beaucoup plus élégant et mélodieux que tout ce que Haraldr avait pu entendre à la cour de Iaroslav, adoucissaient une atmosphère déjà alanguie par le parfum des roses fraîches. Des cloisons de lourd brocart divisaient le pavillon en vastes pièces séparées, surmontées de dais de tulle. Haraldr et Grégori traversèrent deux antichambres de toile avant de se trouver le nez contre un épais tapis à l’odeur de myrrhe.
Un eunuque guida Haraldr vers un divan recouvert de soie douce. Le Varègue s’enfonça dans des coussins de duvet et se sentit soudain étrangement léger. Les lampes papillonnaient. Il n’osa regarder dans les yeux ni l’une ni l’autre femme, mais il savait déjà. Son cœur battit plus vite ; il était certain que sa voix tremblerait. C’était pis que n’importe quelle bataille. Il s’abandonna au dieu Odin qui avait souffert un tourment inexprimable pour donner aux hommes la beauté de la poésie. Que cette torture le rende éloquent en face de la beauté. Maria.
C’était une voix de gorge presque envoûtante qui glissait comme un sirop épais et parfumé. Haraldr s’aperçut à peine que ce n’était pas Maria qui parlait.
— Votre Mère l’impératrice vous salue et vous remercie de la sécurité que vos bons offices lui ont valu au cours de ce fort pénible mais joyeux pèlerinage.
Grégori, assis à la gauche de Haraldr, traduisait avec beaucoup de courage. Haraldr se força à se concentrer.
Quand la traduction fut terminée, Haraldr comprit qu’il devait lever les yeux vers l’impératrice. Kristr ! Laquelle des deux était la plus adorable ? L’impératrice semblait une statue vivante, d’une beauté si idéale qu’elle ne pouvait exister que dans l’imagination. Ou bien sur le visage à côté d’elle. En fait on aurait presque dit deux sœurs. Les mêmes boucles ornées de perles encadraient les mêmes joues aux formes exquises ; les mêmes lèvres luisantes finement sculptées. Et les yeux de l’impératrice exprimaient une tristesse que trahissait même sa peau, en rides imperceptibles qui ombraient le coin de ses yeux. Les yeux de Maria, couleur d’améthyste, mettaient Haraldr au défi. Ils étaient aussi durs que la pierre à laquelle ils ressemblaient. Il eut l’impression qu’elle était au courant des libertés qu’il avait prises avec elle dans ses fantasmes. Il en eut honte, comme un gamin en face de son amour secret.
L’impératrice dit à Maria quelque chose à propos d’or, de doré, de cheveux et de la richesse de Haraldr ; c’était un aparté que Grégori ne fut pas invité à traduire. Les yeux de pierre de Maria demeurèrent fixés sur un point quelque part sur la gauche de Haraldr et très loin derrière lui. L’impératrice rit, révélant des dents parfaites ; pour la première fois Haraldr remarqua que ses tresses remontées étaient d’un or aussi étonnant que celles de Maria étaient brunes. Dans le silence gêné qui suivit, l’impératrice dévisagea Haraldr et le força à baisser les yeux. Quel idiot il était ! Avait-elle vraiment espéré revoir ses cheveux blonds ? Non. Cette déclaration avait été inventée par Mar à ses propres fins.
Maria parla en aparté à l’impératrice ; d’un ton aussi tranchant qu’une lame de couteau. Il reconnut les mots langue et bœuf et i l eut l’impression que l’on posait des fers brûlants sur ses oreilles. Il savait que son front était en feu. Pourquoi Odin ne libérait-il pas sa langue ? Le poids sur sa poitrine était écrasant.
L’impératrice parla de nouveau et Grégori traduisit.
— La princesse Maria dit qu’elle a déjà dîné avec vous et que votre langue était alors, comment dirions-nous, d’une audace charmante. Notre Mère serait désolée de penser que les honneurs et la richesse que vous avez obtenus depuis vous ont rendu taciturne parmi nous.
Donc, elle se souvenait de lui ! Son comportement était de la ruse. Haraldr ferma les yeux, Odin était prêt à parler.
— Pardonnez mon silence insolent, Mère bénie. Je dirais seulement que depuis mon arrivée parmi les Romains, j’ai vu trop de merveilles qui ont délié spontanément ma langue. Mais Votre Majesté est
Weitere Kostenlose Bücher