Byzance
recouvertes de plantes grimpantes en fleurs et de lierre. Haraldr, Maria et Grégori se dirigèrent vers deux tours en ruine entourées par l’éboulis de leur ancienne splendeur.
— C’est Rome qui a construit ceci, dit Maria. L’ancienne Rome des rives du Tibre, en Italie.
— Mais des Romains comme vous ?
— Nous sommes les nouveaux Romains.
Les ruines des tours se perdaient parmi les ronces et les fleurs sauvages. Çà et là, des fragments de formes humaines sculptées, une jambes musclée, un bras et une épaule, le fragment d’une tête couverte de cheveux courts bouclés ; comme si les anciens dieux avaient livré ici leur dernière bataille et que leurs corps restaient maintenant figés au milieu de ce chaos titanesque.
— Les anciens Romains, demanda Haraldr, que leur est-il arrivé ?
Maria se baissa pour caresser l’ancien visage de pierre d’un beau jeune homme, fragment si curieusement vivant qu’il semblait prêt à respirer de ses lèvres de marbre, et à rendre des couleurs aux joues usées par le temps.
— Des voyageurs qui visitent l’ancienne Rome font le signe de croix du Christ Roi quand ils en parlent, si immense est cette ville-tombeau. Aussi immense que la Reine des Villes, mais peuplée à présent seulement par des esprits, des démons et des chiens errants. Exactement comme ici. Sur des lieues et des lieues, comme ici. Un immense sépulcre. Tellement triste, quand on y pense…
Maria caressa les lèvres de l’adolescent de pierre.
— Ils étaient de chair comme nous, des lèvres douces… de la poussière…
Elle s’écarta comme si les lèvres lui avaient brûlé les doigts, ou peut-être comme si elles étaient revenues à la vie.
Elle prit le bras de Haraldr et replia ses doigts élégants aussi lisses que ceux d’une statue, juste au-dessus de son coude pour l’attirer plus près d’elle si bien que son épaule de soie glissa contre lui. Haraldr en fut troublé, mais la sainteté de l’endroit l’emplissait d’admiration. Il leva les yeux vers un mur couvert de sculptures de jeunes hommes – des athlètes nus et des guerriers sans armure. Maria le conduisit sous une arche qui traversait le mur et ils descendirent une douzaine de marches vers une aire de lumière vive. Haraldr resta sans voix. Quel était ce lieu ? Un vaste espace d’herbe et de buissons sauvages entouré de nombreuses rangées de marches. Il semblait y avoir ici assez de place pour tous les hommes de Norvège.
— Le stade, dit Maria. Pour les jeux.
Haraldr protégea ses yeux de l’éclat de la pierre blanche.
— Quel genre de jeux ?
— Les Anciens les appelaient jeux Olympiques, d’après la montagne qui servait de demeure à Zeus. Un homme qui gagnait ici devenait un dieu. Tous les citoyens d’Antioche se levaient pour chanter le nom du vainqueur.
Maria se tut. Un vol de petits oiseaux noirs se posa sur un buisson au bout de l’arène et se mit à pépier.
— Pouvez-vous entendre le nom qu’il chante ? demanda-t-elle d’un ton espiègle, bien que ses lèvres ourlées eussent un pli amer.
Elle entraîna Haraldr vers le haut du stade et une rangée presque intacte de colonnes cannelées. Elles formaient l’entrée d’une vaste niche de la taille d’une maison, creusée à même le roc qui semblait étayer le long mur du stade vers le sud. Haraldr plongea les yeux dans l’ombre derrière les colonnes inondées de soleil. Une énorme silhouette apparut. Haraldr se pencha pour saisir le poignard qu’il avait dissimulé dans sa botte.
— Vous le croyez vivant !
Maria éclata de rire. Quand les yeux de Haraldr s’accommodèrent à la pénombre, il vit un homme de pierre plus grand que lui – même si l’on avait descendu la statue de son piédestal. Les bras de marbre étaient parcourus de veines vivantes et tous les autres détails étaient aussi saisissants, même les boucles qui couronnaient la virilité de l’homme. Haraldr en fut gêné.
— Héraclès, soupira Maria, visiblement sous le charme. Il était à moitié homme, à moitié dieu. On dit qu’Apollon et Hermès étaient plus beaux. Peut-être. Mais en la présence d’Héraclès, on ne songe pas à leur beauté.
Elle fit le tour d’un bassin vide qui se trouvait devant la statue et enveloppa de ses doigts la cheville de marbre d’Hercule. Puis elle remonta vers la pierre du mollet. Elle posa la joue contre la jambe et se caressa à elle pendant un instant, puis bascula la
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