Byzance
devant le jugement de Dieu. Une personne qui est assez habile pour me voler ne peut pas être assez stupide pour me tuer.
Zoé se mit à caresser du bout des doigts les tempes de Maria. « Non, petite fille, se dit-elle, je ne crains pas les mains entre lesquelles je suis tombée, si rudes et mal lavées qu’elles puissent être. Je ne crains pas une prison qui sera probablement longue, plus longue que je saurais permettre à ton cœur précieux de souffrir. Mais je sais à présent ce que je dois faire quand nous reviendrons enfin dans ma ville, et près de mon peuple. Et quand j’y songe, c’est alors que je prends peur. »
* *
*
Le mandator, officier de renseignements des Excubitores impériaux, se mit à parler en arabe à l’homme accroupi, un petit marchand à en croire l’aspect de ses mains sans cals et de sa robe de toile sale. Le marchand montra plusieurs dents noires et, tandis qu’il bafouillait d’une voix chantante, ses mains se crispèrent comme pour saisir le brouillard de l’aube. Le mandator fit un geste vers la coupe de l’homme et ordonna à un muletier de la remplir de vin. Il s’inclina vers le marchand, puis recula pour rendre compte à Blymmédès et Haraldr.
— C’est un Arabe d’ici, pas un Seldjouk, dit le mandator, officier aux regards troubles qui s’habillait en général exactement comme les akritès sous ses ordres. Il dit qu’ils ont reconstruit le kastron pour se défendre et qu’ils n’ont nul désir de chercher querelle aux Romains. Selon lui, les Seldjouks ont assassiné le gouverneur du kastron et ont envoyé des courriers vers l’est.
Le mandator fronça ses sourcils en broussaille, déteints par le soleil, et pendant un instant ses yeux toujours prêts à se détourner se figèrent.
— Il dit la vérité. Je n’ai pas eu besoin de pousser l’interrogatoire.
Blymmédès hocha la tête.
— Que l’intendant s’occupe de lui. Il semble que l’allié a décidé de travailler pour son propre compte, dit-il en se tournant vers Haraldr. Êtes-vous prêt à interroger le Seldjouk ?
Haraldr sortit son couteau de sa ceinture et acquiesça. Les akritès de Blymmédès avaient pourchassé un détachement de l’arrière-garde seldjouke et avaient réussi à capturer un soldat.
— Bien, dit Blymmédès. Il est important que ce soit vous qui le fassiez. Il considère les blonds comme des diables vengeurs du Christ.
Le Seldjouk attendait à genoux, les bras ligotés dans son dos. Haraldr força ses mains à rester calmes. Ce n’était pas son genre de travail, et il exigeait une forme de courage à laquelle il n’était pas accoutumé. Mais Blymmédès l’avait persuadé de l’importance de cet interrogatoire, et il n’avait nul besoin de le convaincre de l’importance des vies que cette loque humaine pourrait sauver si l’on persuadait sa langue de se délier.
Les yeux sauvages du Seldjouk s’agrandirent quand il vit le géant blond s’approcher. Puis il se rappela la violence de son propre père, et les corrections de son frère aîné, et il cracha sur les bottes du démon. Allah le prendrait bientôt dans ses bras.
Haraldr défia les yeux du Seldjouk. Il passa dans son dos et trancha la corde qui retenait les mains de l’homme puis il le força à se lever. Il fit signe au muletier de lui donner un bol de millet bouilli avec des morceaux d’agneau. Le Seldjouk regarda le bol, renifla, et aboya quelques mots dans sa langue hachée. Un akritès qui connaissait le dialecte seldjouk traduisit en grec pour Grégori qui traduisit à son tour pour Haraldr.
— Il demande pourquoi il s’empoisonnerait lui-même ? Il… Excusez-moi, Haraldr Nordbrikt, il vous traite de gros porc.
Haraldr regarda le visage furieux, étrangement sûr de lui. L’homme, guère plus âgé que Haraldr, avait une barbe noire fournie et un beau nez aquilin. Ce devait être un de leurs officiers, fier de passer pour un guerrier indomptable. Haraldr prit le bol des mains du Seldjouk et enfourna plusieurs poignées de nourriture dans sa bouche, la mâcha longuement et l’avala avant de rendre le bol. Le Seldjouk arracha le bol des mains de Haraldr et dévora le reste du plat comme un chien affamé.
— Est-ce qu’il en veut davantage ? demanda Haraldr.
Le Seldjouk hocha la tête et on apporta un autre bol, que Haraldr goûta avant de le servir. Puis un autre. Est-ce que leur hôte désirait boire ? On apporta du vin et de l’eau, que l’on goûta avant de
Weitere Kostenlose Bücher