Byzance
poumons brûlants. Y aurait-il un moyen de traiter avec l’orphanotrophe Joannès ?
Le fait que l’énorme brute n’avait pas laissé agir la meute démontrait qu’il ne se sentait pas très sûr de sa puissance. Le moine désirait-il un compromis ? Pourraient-ils trouver ensemble un terrain d’entente ?
— Comment un vieillard réduit à la pénurie pourrait-il partager vos visions élevées, orphanotrophe ?
— Inutile de finasser, frère Attaliétès, gronda Joannès menaçant.
Mais il était ravi de voir que la bête à laquelle il allait imposer le joug avait encore assez de flamme pour se montrer utile.
— Voici ce que je vous offre, en termes brefs. Vous ferez donation aux offices de l’orphanotrophe des deux tiers de toutes vos possessions en Europe et en Asie. Nicéphore Argyros oubliera les dettes pour les propriétés qui resteront, en échange du monopole qu’il va obtenir sur le commerce avec Venise, Amalfi et le pays de Rus. Et en reconnaissance pour votre généreuse donation aux indigents de notre ville, vous serez exempté d’impôts sur les domaines qui resteront à votre nom pour une période de dix ans. Je suis persuadé qu’au terme de ces transactions je me retrouverai avec un allié plus puissant fiscalement que jamais et également plus riche en sagesse.
Attaliétès soupira de soulagement. La vie était toujours belle. Ce soir, il demanderait à cette fille khazar de le prendre dans ses lèvres douces jusqu’à ce qu’il éprouve l’extase explosive de sa jeunesse. Il cligna des paupières pour chasser les larmes et vit le visage monstrueux à travers la brume dorée de l’espoir.
— Je suis votre débiteur, orphanotrophe.
— Je m’assurerai que vous ne l’oublierez pas, mon frère.
Joannès se retourna et rebroussa chemin sans escorte.
Quand la grille s’ouvrit, la foule se tut de nouveau. L’orphanotrophe se remit en selle et se tourna face à la meute en attente.
— Dieu m’a accordé le privilège d’annoncer aux enfants bénis de notre, impératrice sacrée la nouvelle du miracle le plus extraordinaire. Hier, des guerriers chrétiens conduits par l’archange lui-même et l’indomptable ennemi de l’hérésie, le stratège d’Antioche, ont attaqué les hordes infidèles et effectué le sauvetage de notre Mère ! Notre Mère nous revient !
La réaction délirante de la foule assourdit Joannès, et il eut du mal à conserver sa concentration. Des mains qui brandissaient des pierres et des bâtons quelques secondes plus tôt lançaient maintenant des fleurs. Remarquable, songea-t-il. Deux événements tout à fait remarquables. D’abord le stupéfiant sauvetage de la catin alors qu’il s’attendait à de longues périodes de négociation. Et ensuite le logothète du Dromos lui avait apporté la copie d’une lettre de l’hétaïrarque Mar Hunrodarson au malheureux sénateur Attaliétès. Ignatios, le fils du sénateur, livrait souvent ce genre d’informations en échange des bons offices du logothète qui assistait le jeune Attaliétès à assouvir ses appétits pour de charmants officiers des Scholae. La lettre d’Hunrodarson offrait à Attaliétès l’appui de ses Varègues pour débloquer le siège du palais du dynatoï. Simple transaction mercenaire ? Non, Hunrodarson devait être au courant du manque de liquidités d’Attaliétès – le Barbare s’était lié d’amitié avec Argyros – et il avait songé aux mêmes termes d’échange que Joannès. Simplement remarquable. L’hétaïrarque Mar Hunrodarson révélait ses ambitions, aux yeux de tous. Hunrodarson n’était pas stupide. Qu’est-ce qui pouvait l’avoir poussé à prendre une position aussi imprudente ? Peu importait. Que Mar Hunrodarson continue de rêver. Le héros Haraldr Nordbrikt allait être un redoutable rival pour l’hétaïrarque. Oui, l’instrument de Joannès reviendrait d’Asie plus couvert de gloire que jamais. Et quel plaisir ce serait, songea Joannès, tandis que les pétales volaient autour de lui, de voir ces deux Barbares tauro-scythes prétentieux s’empaler mutuellement.
— Haraldr Nordbrikt, vous savez bien que je ne suis guère expert en ces matières, lança Grégori en rougissant. C’est-à-dire, je n’ai aucune expérience pratique. Bien sûr, on entend beaucoup de choses quand on est curieux des subtilités du langage. Et ma foi, j’avoue que j’ai lu des romans dans la langue vernaculaire corrompue. Seulement pour me
Weitere Kostenlose Bücher