Byzance
empereur. Si ce n’est pas le cas, nous agirons. N’en doutez pas. Mais il n’est pas question pour l’instant de parler de l’avenir de Rome. C’est l’avenir du Stoudion que je porte dans mon cœur. Vous prétendez que nous partageons la même cause, et la façon dont vous êtes venu parmi nous ce soir est une preuve de bonne foi que je suis trop vieille et trop intelligente pour refuser. Alors répondez-moi, jeune homme, en toute vérité comme vous m’avez parlé jusqu’ici ce soir. Que ferez-vous, les Varègues, si l’orphanotrophe Joannès vous ordonne de massacrer le peuple du Stoudion ?
Haraldr, la gorge nouée, se leva et dévisagea l’Étoile bleue pendant un long moment. Recevrait-il cet ordre ? Très probablement.
— Si l’orphanotrophe Joannès donne cet ordre, je jure par tous les serments que je le tuerai de mes mains.
— Pourquoi êtes-vous venu ? demanda Maria, le visage exsangue de peur. Que s’est-il passé ? Je sais que le Stoudion est en feu. Nous sommes montées sur le toit, nous avons vu les flammes. Il n’est pas…
Maria baissa la tête et ses cheveux sombres cascadèrent sur ses épaules. Le candélabre de sa chambre était éteint, les deux lampes à huile posées sur de longues hampes de bronze lançaient des ombres étranges sur le tapis bleu pâle d’Antioche.
— Il est sain et sauf, répondit Mar. J’ai envoyé plusieurs de mes hommes à sa recherche. Comme je l’avais craint, Joannès a tenté de l’enterrer là-bas. Je l’avais prévenu.
La poitrine de Maria se souleva sous sa cape de soie. On eût dit un cadavre revenant à la vie, ses lèvres devinrent soudain très rouges.
— Oui. Mais vous n’êtes pas venu ici pour m’apporter du réconfort.
Mar dévisagea Maria… Les buts de sa venue étaient-ils plus clairs pour elle que pour lui-même ?
— Non, dit-il enfin. Est-ce que vous l’aimez ?
— Oui.
— Vous allez le faire tuer.
— Oui.
Maria croisa les bras sous ses seins et leva les yeux vers Mar. Il secoua la tête, incrédule.
— Si vous avez manigancé un de vos complots insensés, je vous mets en garde : tout ce qui concerne Haraldr me concerne aussi désormais. C’est un homme du Nord et c’est mon ami. Pour tout vous dire, c’est un allié dont j’ai besoin plus que de tout autre. Détruisez un autre homme avec vos plans diaboliques et vos folles passions. Parce que si mon allié se retrouve en danger, je vous détruirai.
Dans le silence qui suivit, Mar comprit qu’il n’avait pas emporté la conviction de la jeune femme. Le regard de Maria était trop rusé et trop las. Elle baissa les yeux, ses lèvres se plissèrent légèrement comme pour dissimuler un dédain amusé.
— Vous n’êtes pas son ami. Peut-être son allié. Seriez-vous jaloux de moi ?
Mar fit un pas en avant et gifla Maria. Pour la forme, presque comme s’il s’agissait d’un châtiment rituel.
— C’est une calomnie, sale garce !
Maria éclata de rire et posa le doigt sur sa lèvre qui saignait. Elle goûta le sang.
— Oui. C’était injuste de ma part de le dire. Je ne crois pas que vous n’avez pas pu me faire l’amour seulement parce que vous préférez les hommes. Je n’ai jamais compris pourquoi vous ne me trouviez pas séduisante.
Le visage de Mar se tordit légèrement. Il se souvint d’elle, nue, qui l’attendait. Depuis ce jour-là, comme il avait souffert en songeant à ce qu’il aurait éprouvé s’il lui avait fait l’amour ! Pourquoi ne l’avait-il pas fait ? Ce n’était pas la première femme dont il se fût détourné – mais pourquoi ? Il avait des raisons, mais il refusait de les reconnaître.
— Vous pensez à moi, Mar ? Je veux que vous pensiez à moi. Je veux que tous les hommes qui m’ont jamais touchée brûlent au souvenir de moi. Il m’arrive de rêver à ce que cela aurait pu être avec vous. J’ai pensé à vous une fois quand j’étais avec lui.
— Et c’est ainsi que vous l’aimez ? Vous êtes une garce.
— Je l’aime ! cria-t-elle, le visage brillant. Je l’aime tant que je m’éveille au milieu de la nuit, malade de peur à la pensée qu’il puisse cesser de m’aimer. J’en vomis.
Ses cheveux tombèrent sur ses joues et d’étranges sanglots sans larmes agitèrent ses épaules. Mar secoua la tête.
— J’ai pitié de vous. Vous êtes l’esclave de vos passions. Vous n’avez fait que prendre depuis que vous avez connu la vie, et vous méprisez
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