Byzance
homme du Nord ?
— Je te le jure sur l’âme du jarl.
Quelle ruse préparaient-ils ?
Les deux Varègues se lancèrent dans une longue discussion à mi-voix. Haraldr s’impatienta.
— Racontez ce qui vous amène. En dehors de la poignée d’hommes qui s’est battue à leurs côtés, le jarl Rognvald et Haraldr Nordbrikt n’ont que du mépris à offrir aux Varègues.
— Je suis l’un des hommes qui s’est battu à leurs côtés aujourd’hui. Demande-leur de venir me voir.
Haraldr se pencha sur le bastingage. Un des hommes était debout dans le canot, le visage relevé. Mère de Kristr ! C’était le jeune Varègue confiant qui se trouvait à ses côtés dans le fleuve.
Haraldr hésita. N’était-ce pas une ruse de Hakon ?
— Je suis Haraldr Nordbrikt… Si je me trompe, pardonnez l’indignité. Déshabillez-vous.
Le jeune Varègue grommela, mais obéit, ainsi que son compagnon. Ils n’avaient pas de byrnnie cachée sous leur tunique.
— Rhabillez-vous et montez à bord.
De son épée, il leur fit signe de s’asseoir sur le pont.
— Je m’appelle Halldor Snorrason, commença le grand Varègue aux cheveux de soie. Et lui, Ulfr Uspaksson. Nous sommes du même village d’Islande.
Le plus petit hocha la tête. Il avait un visage massif avec de grands yeux sensibles.
— Où est le jarl Rognvald ? demanda Halldor.
— Le jarl Rognvald est aux bancs du Walhalla, répondit Haraldr, espérant juger l’homme à sa réaction.
Le visage de Halldor resta impassible. Puis il dit :
— C’est une honte pour nous. Les hommes qui ont survécu et moi devons notre vie au jarl. Et à vous.
Sa voix restait neutre et sèche, comme s’il récitait une formule. Haraldr serra plus fort le pommeau de son épée.
Ulfr, nerveux, regarda d’abord Haraldr, puis Halldor.
— Halldor, dit-il. Il vaut mieux que je dise ce que nous avons sur le cœur.
Haraldr reconnut une voix grave et mesurée, la voix d’un scalde comme lui.
— Excusez mon ami, dit Ulfr en se tournant vers Haraldr. Sa voix est comme une route du pays de Rus. Elle ne monte, ni ne descend. Elle continue toujours droit. Mais vous savez que la mélodie de la voix d’un homme n’a souvent rien à voir avec la musique de sa poitrine.
Haraldr se détendit, charmé par l’amitié entre ces deux hommes. Il regretta soudain de ne pas avoir profité de la camaraderie de jeunes gens de son âge – mais son seul ami depuis des années avait été un vieil homme, aujourd’hui sous un linceul de toile.
— Nous voulons vous dire que nous avons tous honte, reprit Ulfr. Hakon aurait pu facilement sauver votre jarl. Ainsi que nos hommes. Les Petchenègues n’ont pas poursuivi Hakon. Il a passé l’après-midi à exécuter des prisonniers, et à l’exception de Halldor et de la poignée qui s’est battue avec vous, les Varègues n’ont fait que tourner en rond. Hakon ne nous a pas mis au courant de l’escarmouche sur la plage. Il a délibérément laissé mourir ces hommes. Et nous avons honte d’avoir prêté serment à un chef pareil.
— La plupart d’entre vous semblaient ravis de lui à Kiev ! lança Haraldr. Mais maintenant que certains ont été offerts en pâture aux mouettes, vous venez gémir près de moi…
Son ton impliquait la question : « Pourquoi ? »
— Nous ne sommes pas tous des grandes gueules et des tranche-montagnes, répondit Ulfr. Vous ne trouverez pas de meilleurs hommes que les Varègues. Oui, ils se sont moqués de vous à Kiev, mais je peux vous assurer qu’ils riaient comme le coq quand il sent la hache au-dessus de son cou…
— Ma foi, à Kiev, vous aviez l’air ridicule, coupa Halldor.
Ulfr lui lança un regard gêné, mais il haussa les épaules.
— Bah, la corne à hydromel a fauché plus d’hommes que l’épée.
Haraldr haussa le sourcil. Cette sincérité naïve de Halldor lui plut. Si Hakon avait voulu dissimuler sa trahison sous de la flatterie, il ne lui aurait pas envoyé cet homme-là.
— Nous disions donc que… commença Ulfr.
— Nous disions ceci, interrompit Halldor. Pas un seul d’entre nous n’est satisfait d’avoir Hakon pour chef. Il nous a tous plongés dans la honte aujourd’hui. Aucun de nous n’admira son comportement de brute. Nous ne sommes pas des rustres. Nous sommes des hommes du serment, et nous lui avons donné notre parole. Ce serment est le seul honneur que nous devons sauvegarder. Sinon nous cessons d’être des
Weitere Kostenlose Bücher